Pourquoi Shell se désengage de l’Afrique

Le groupe pétrolier anglo-néerlandais a décidé de quitter le marché «aval» dans une vingtaine de pays, tout en conservant ses activités «amont» les plus rentables sur le continent : l’exploration et la production. Plusieurs candidats, notamment africains, sont sur les rangs pour reprendre les actifs de Shell.

Le changement de stratégie du groupe a été décidé au cours de ces derniers mois, avec l'arrivée à sa tête, le 1er juillet dernier, du Suisse Peter Vozer. Dans l'une de ses toutes premières déclarations, le nouveau patron lâche: « A ce jour, notre base de coût mondial est beaucoup trop élevée. Il y a quatre ans, lorsque le baril oscillait entre 60 et 70 dollars, nos frais généraux globaux étaient de moitié plus bas. » En affichant clairement sa détermination, Peter Vozer entend bien « secouer le cocotier Shell », à commencer bien sûr par la réduction de ses coûts.

Mais ce n'est pas tout. L'ancien directeur financier devenu n°1 affiche l'ambition de redorer le blason quelque peu terni du groupe. Il veut redonner confiance aux investisseurs qui doutent et qui considèrent désormais Shell comme une société statique.

Il faut dire que le géant pétrolier ne dispose plus d'énormes réserves. Dans son portefeuille actuel il n'y a que des projets dont la rentabilité ne sera effective que dans cinq voire dix ans. Au cœur de ces projets : les huiles très lourdes, autrement dit les sables bitumineux dont regorge l'Amérique du Nord, notamment le Canada.
D'où ce changement radical de stratégie, car des délais d'exploitation trop longs n'ont jamais favorisé une rentabilité rapide.

Tout céder en deux voire trois blocs régionaux

« Nous ne commentons pas des rumeurs », assurait il y a quelques mois le groupe Shell. Mais la nouvelle ne fait plus l'ombre d'aucun doute: la compagnie va se désengager en partie, cette année, du continent africain en cédant ses activités en aval, dont le raffinage, le stockage et la vente de divers produits tels le gaz, les lubrifiants dans la vingtaine de pays où le groupe continue d'opérer. En 2008, le groupe avait déjà quitté une quinzaine de pays, assurant à l'époque vouloir se concentrer et développer ses activités dans ce dernier pré- carré. Le groupe conserve donc ses activités les plus lucratives: l'exploration et la production.

L'information était restée confidentielle entre les quatre repreneurs potentiels avec lesquels le géant pétrolier négociait depuis quelques mois, mais aujourd'hui elle fait grincer les dents non seulement dans les plus hautes instances mais également chez les employés du groupe, car Shell cède toute son activité aval dans la vingtaine de pays où le groupe opère encore. L'anglo-néerlandais s'était déjà désengagé il y a à peine un an d'une quinzaine de pays.

Ayant décidé de faire ses offres à seulement quatre partenaires, la stratégie du groupe est claire: privilégier la cession de tout son patrimoine, en un seul lot. Une mission bien difficile, car tous les géants pétroliers qui ont à la fois les moyens financiers, la vision stratégique, sont tous dans des positions inconfortables à commencer par Total-Elf-Fina dont la stratégie est plutôt de consolider ses récentes acquisitions sur le continent.

Et on imagine mal les Américains Mobil et Chevron-Texaco, également le Britannique BP, tous partis du continent, débourser le moindre dollar pour y revenir! Reste désormais cette option à Shell : tout céder en deux voire trois blocs régionaux. Plusieurs candidats sont déjà sur les rangs: le Libyen Oil Libya et le marocain Afriquia pour l'Afrique du Nord, les Sud-Africains Sasol et Engen intéressés par un développement de leur activité en Afrique Australe, les Indiens pour l’Afrique de l'Est, des sociétés locales telles Elton au Sénégal, ainsi que les Portugais de Galp, tentés d’étoffer leur portefeuille d’actions en Afrique. Ou, encore, le Nigérian MRS qui vient de racheter les activités de Chevron-Texaco sur le continent et qui se verrait bien en géant africain.

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