Gaza: un an après la guerre, la vie en pointillé

Retour à Gaza, un an après la guerre qui a fait 1 400 morts Palestiniens et 13 tués Israéliens. L'opération militaire israélienne « Plomb durci » avait été lancée le 28 décembre 2008 contre la bande de Gaza pour mettre fin aux tirs de roquettes sur le sud d'Israël. Gaza se relève difficilement de ces 22 jours de combats.

De notre envoyé spécial à Gaza, Karim Lebhour

Gaza. Un policier du Hamas fouille mon sac dans la caravane qui marque le poste frontière palestinien, à la lisière d’un interminable no man’s land après le point de passage israélien d’Erez. Au mur, une affiche en anglais prévient les visiteurs que les bouteilles d’alcool seront « saisies, confisquées, détruites et vidées » (dans cet ordre) devant leur propriétaire. La tolérance appliquée il y a encore quelques mois pour les étrangers est terminée.

Sur la route du nord, vers Gaza-City, les stigmates de la guerre sont clairement visibles. Le village d’Ezbet Abed Rabbo, sur une colline en face de la frontière israélienne, est toujours en ruines. Ceux qui n’ont pas trouvé d’appartement à louer ou de parents chez qui loger vivent encore sous des toiles de tente, au milieu des décombres. Il n’y a pas de matériaux pour reconstruire. Ciment, acier, verre, sont empêchés d’entrer par le blocus. Dans ce chaos de béton, se dresse une maison de terre cuite. Un ingénieur palestinien a ressuscité une méthode ancestrale pour fabriquer des briques de terre avec de l’argile et du sable. L’agence des Nations unies pour les réfugiés (Unrwa) lui a passé une première commande de 120 maisons de terre. Chris Gunness, le porte-parole de l’organisation ne cache pas son désarroi : « Ce n’est même plus l’âge de pierre. Gaza a été renvoyée à l’âge de boue ».

Dans le camp de Jabaliya, de jeunes grapheurs peignent le mur d’un commissariat de police, à la demande du Hamas. La fresque est un hommage à la « résistance » palestinienne depuis les lanceurs de pierres de la première Intifada, jusqu’aux attentats-suicide et aux roquettes Qassam. Une sono hurlante crache à plein volume : « Contre l’Amérique, contre Israël, soutenons le Hamas ». Devant quelques journalistes, un porte-parole du Hamas, Abdelatif Al-Kanoa, récite un discours bien rôdé : « Israël a perdu la guerre. Le Hamas est plus fort que jamais. La résistance a empêché les Israéliens de rentrer à Gaza ». On s’étonne. Les soldats israéliens ne sont-ils pas justement entrés jusqu’au cœur de la ville sans avoir été véritablement inquiétés ? Le jeune barbu ne bronche pas : « L’Intifada a poussé les Israéliens à se retirer de Gaza, l’Intifada nous rendra notre terre ».

Rue Omar el-Mokhtar, l’avenue principale de Gaza, les magasins sont bien achalandés. Tout ou presque vient des tunnels de Rafah. Leur destruction était l’un des buts de guerre d’Israël. Ils sont toujours là. « Abu Iyad », 35 ans, a été peintre en bâtiments en Israël pendant quinze ans. Aujourd’hui, il creuse des tunnels. « Pour ceux qui ne sont ni du Fatah, ni du Hamas, c’est le seul travail disponible à Gaza ». Les bons jours, « Abu Iyad », pouvait ramener 30 euros, jusqu’à cette chute de 14 mètres dans un tunnel, il y a un mois. Sa vertèbre est cassée. « Abu Iyad » a besoin d’une opération en Israël ou en Egypte. Sa demande de transfert est restée sans suite.

A l’hôpital de Khan Younès, les chirurgiens soignent encore les blessés de la guerre. Mohamed, 17 ans, va subir sa cinquième opération. Les os de sa jambe ont été brisés par un éclat lors d’une frappe aérienne. « Il y a eu une explosion. C’était un drone qui visait un militant. Il y avait plein de monde dans la rue. Nous avons été touchés avec lui ». En salle d’opération, Christopher Bulstrode, un chirugien britannique envoyé par Médecins du monde, enchaîne les interventions. « Ce sont des conditions difficiles. Hier, l’électricité a été coupée quatre fois pendant une opération. L’hôpital possède un groupe électrogène, mais il a besoin de maintenance et les pièces ne sont pas disponibles ».

Rencontre avec Mohamed Hawajri, un artiste de Gaza. Avec son collectif « El Tiqa », il vient d’ouvrir une galerie d’art, la seule du territoire. Une cinquantaine d’artistes sont exposés. Les toiles, les cadres en bois manquent. Qu’importe. On se débrouille. Faute de peinture, Mohamed Hawajri a utilisé des épices, du cumin, de la cannelle, du café et du cacao, mélangées à du blanc d’œuf. La série est baptisée « Esprits et parfums ».

Coucher de soleil sur la plage, à la terrasse d’un grand hôtel de Gaza. Les jeunes discutent en fumant le narguilé. Musique d’ambiance. Odeur sucrée. La mer n’offre qu’une liberté illusoire. Les navires de guerre israéliens coupent toute sortie au-delà de trois miles nautiques (5,5km). Depuis la guerre, 50 millions de litres d’eaux usées se déversent chaque jour dans la mer. Les stations de traitement n’ont pas pu être réparées. Depuis la plage, on voit distinctement les côtes israéliennes et la ville d’Ashkélon vers laquelle dérive cette pollution. Les courants marins ne connaissent pas de frontière.

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