Les autres pays riverains du grand fleuve de l’Asie du Sud-est comme le Cambodge, le Laos ou la Thaïlande n’ont pas été épargnés, non plus. Le Cambodge par exemple, avec près de la moitié des 24 provinces inondée, a connu les pires crues depuis 70 ans.
Les deux années suivantes, des graves inondations se reproduisent dans le delta du Mékong, mais avec une intensité moindre. Quant au Laos, l’année 2008 est marquée de nouveau par des crues extrêmes du fleuve, surtout au niveau de la capitale Vientiane. Une étude en 2008 de la Commission du Mékong MRC, l’institution intergouvernementale des 4 pays du bassin du Mékong a reconnu que les « graves inondations » sont devenues de plus en plus fréquentes.
Fonte accélérée des glaciers de l’Himalaya
Pour expliquer la fréquence et l’ampleur du débordement du fleuve, certains ont pointé du doigt la déforestation accélérée dans la région, ainsi que la construction des barrages hydro-électriques en amont, surtout dans la partie chinoise du Mékong. Toutefois, depuis quelques années, de plus en plus d’experts ont émis l’hypothèse selon laquelle à côté des causes humaines, il faut aussi prendre en considération la fonte accélérée des glaciers de l’Himalaya où le Mékong prend sa source.
Le problème de la fonte des glaciers de l’Himalaya a été soulevé depuis des dizaines d’années par des scientifiques, mais c’est avec le rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) en 2007 que le monde commence à s’y intéresser.
Dans son rapport, le GIEC note que les glaciers himalayens « reculent plus rapidement que partout ailleurs dans le monde et, si cette tendance persiste, beaucoup auront disparu d’ici à 2035, ou peut-être avant si la terre continue de se réchauffer à ce rythme ».
Glacier du Khumbu : un recul de 5 km depuis les années 1950
Selon les experts, la température moyenne dans l’Himalaya a augmenté de 1°C depuis les années 1970, causant la fonte des glaciers. Certaines estimations sont alarmantes : au cours des 50 dernières années, 82 % des glaciers du plateau tibétain ont perdu en superficie.
Dans un rapport en 2005, déjà le Fonds Mondial de la Nature WWF a tiré la sonnette d’alarme, en mentionnant des exemples concrets du rétrécissement des glaciers himalayens, comme le cas du Glacier du Khumbu, l’une des routes pour le sommet de l’Everest, qui aurait reculé de 5 kilomètres depuis les années 50, ou Glacier du Dokriani Barnak, en Inde, qui, en 1998, « année la plus chaude de la décennie la plus chaude », aurait reculé de 20 mètres. Un autre exemple, le Glacier Gangottri, qui alimente le Gange, connaîtrait un recul annuel de plus de trente mètres.
Comme les glaciers de l’Himalaya constituent des réserves d'eau naturelles, fournissant chaque année 8,6 millions de m3 d’eau à différents fleuves du continent tels le Gange, l'Irrawady, le Yang Tsé, ou le Mékong…, leur fonte accélérée risque de mettre en péril la survie de millions de personnes vivant le long des fleuves, parmi lesquelles des centaines de milliers de Cambodgiens et de Vietnamiens.
Inondations et manque de ressources hydrauliques
Cette fonte rapide des glaciers, selon les scientifiques du GIEC, provoquera dans un premier temps d'importantes inondations, principalement en aval, c’est-à-dire dans le delta du Mékong, au Vietnam et au Cambodge. Dans un deuxième temps, comme la source d’alimentation en eau, à savoir les glaciers, se rétrécit, surviendra le manque de ressources hydrauliques pour les habitants situés en aval des fleuves.
Les données recueillies sur le terrain depuis une dizaine d’années, à savoir, les inondations de grande ampleur et de plus en plus fréquentes au Vietnam, et dans d’autres pays du bassin du Mékong, semble confirmer les prédictions des experts du GIEC.
Le rapport entre la fonte des glaciers de l’Himalaya et les crues extrêmes du Mékong reste cependant à démontrer. Aux dires même des experts, les données concernant les glaciers sont encore insuffisantes pour permettre une extrapolation. Mais pour les ONG, il n’y a plus de doute. Dans un rapport publié en mai 2009 sur les « réfugiés climatiques », l’ONG Care International a bien fait le lien entre les crues du Mékong et la fonte des glaciers du plateau tibétain.
Montée des eaux de mer
Pour le Vietnam, si ce rapport se confirme, la menace d’inondations dues au changement climatique est double : à côté des crues de ses deux fleuves principaux, le Mékong au Sud et le Fleuve rouge au Nord, tous deux prenant leur source dans l’Himalaya lointain, les régions basses du pays risquent aussi d’être envahies par la montée des eaux de mer si jamais la température globale continue de grimper.
Dans son rapport sur les inondations dans le Delta du Mékong publié en 2007 accompagnant le rapport 2008 sur le Développement Humain du PNUD, Nguyen Huu Ninh, expert vietnamien, membre du GIEC, a rappelé : « Le niveau de la mer au Vietnam a augmenté de 5 cm ces 30 dernières années. Il serait de 9 cm en 2010, 33 cm en 2050, 45 cm en 2070 et 1m en 2100.»
Selon un scénario établi par l’ONU et discuté le 2 décembre 2009 à Hanoi, si le niveau de la mer augmente d’ 1m d’ici 2100, plus de 30.000 km2 du Vietnam (l’équivalent de la superficie de la Belgique) seront inondés. Le Delta du Mékong sera la région la plus durement touchée avec 15.000 km2 sous les eaux. Conjuguée avec l’effet de la fonte des glaciers de l’Himalaya, la situation s’annonce dramatique si rien n’est fait pour atténuer les bouleversements climatiques.