Avec notre correspondant à Buenos Aires, Jean-Louis Buchet
Il fut le dernier chef de la junte, le dernier président de la dictature. Désigné par ses pairs en 1982, au lendemain de la défaite des Malouines, Reynaldo Bignone remet le pouvoir un an après au premier président de la démocratie retrouvée, Raul Alfonsin.
Son caractère effacé et son attitude conciliante durant la transition avaient pu faire penser qu’il n’était pas comme les autres. Erreur. Vingt-six ans plus tard, l’ancien général Bignone, âgé aujourd’hui de 81 ans, comparaît devant la justice de son pays pour l’enlèvement et la disparition de 56 personnes. Des crimes commis entre 1976 et 1978 et dont il est accusé en tant que chef, à l’époque, du centre de détention clandestin de Campo de Mayo près de Buenos Aires.
Reynaldo Bignone a écouté la lecture de l’acte d’accusation en fixant les juges avec un mélange de provocation et d’incompréhension dans son regard. Manifestement, cet homme aux allures de grand-père tranquille ne comprend toujours pas qu’on veuille condamner les militaires argentins pour avoir appliqué, dans leur lutte contre ce qu’ils appelaient «l’ennemi intérieur», des méthodes qui avaient été utilisées sous d’autres cieux sans conséquence majeure. Il avait raconté à la journaliste française Marie-Monique Robin comment les hauts gradés argentins avaient appris à combattre la subversion auprès d'instructeurs français qui avaient mis en pratique ces méthodes en Algérie. Son témoignage, et celui d'autres militaires français et argentins, figure dans le documentaire «Escadrons de la mort, l'école française», sorti en 2003.
Le procès de Reynaldo Bignone s'est ouvert ce lundi et devrait s'achever en mars 2010.