La Brenne, zone humide d’importance internationale

Au loin deux hérons pourprés émergent des roselières, une élégante guifette moustac quitte un nénuphar et le vol vif d’un martin pêcheur au plumage bleu rase le plan d’eau en faisant vibrer l’air avec un cri aigu : riche de quelque 2 300 étangs, la Brenne abrite une importante population d’oiseaux dont de nombreux migrateurs qui viennent là pour nicher, trouver refuge et nourriture. Propriétaires des étangs, pisciculteurs, chasseurs et agriculteurs veillent, aux côtés des ornithologues et des naturalistes, au développement durable de ce parc naturel façonné par l’Homme, et à la bonne santé économique de la région.

Toutes saisons confondues le parc naturel de la Brenne qui, selon la classification UICN, figure au 4ème rang des Zones humides françaises d'importance internationale, est fréquenté par 40 à 45 espèces inscrites à l'annexe I de la directive "Oiseaux" -soit environ 80% des espèces régulièrement présentes en région Centre.

Plus de 200 espèces d'oiseaux y sont visibles au cours de l'année et ce grâce à la grande diversité de paysages -et des écosystèmes qui leur sont liés. Les étangs aux fonds plats, peu profonds et bordés de roselières côtoient landes, prairies (humides ou sèches), pâturages, forêts, buttes de grès couvertes soit de mousses et de lichens soit de lande sèche.

Sous l’eau il y a plusieurs millions d’années, cette cuvette s’est petit à petit comblée et, il y a  2000 ans, le grand plateau argileux était couvert de forêts. Région insalubre, au sol relativement imperméable et donc peu fertile, les hommes ont alors aménagé, au Moyen âge, les marais en étangs pour y pratiquer la pisciculture. Si cette contrée est volontiers désignée comme « le pays aux mille étangs » alors qu’elle en compte plus de deux mille, elle doit en fait sa grande richesse de biodiversité à une couverture végétale très variée, qui satisfait toutes les exigences écologiques d’oiseaux terrestres, aquatiques, nicheurs et migrateurs.

La protection de ces espèces patrimoniales font l’objet de priorités d’action dans la politique européenne de conservation de la nature, dans le cadre de Natura 2000. Pour attirer des espèces d’oiseaux aussi diversifiées, il est impératif, souligne l’ornithologue, de veiller à protéger tous les types d’habitats et de ressources alimentaires qui répondent à leurs besoins écologiques. Les  étangs sont régulièrement entretenus : « au bout de quelques dizaines d’années un étang se comble tout seul, explique Thibaut Michel, il est donc nécessaire de passer par de régulières périodes dite ‘d’assec’, à l’automne ou à l’hiver, afin que le fond des étangs puisse se reminéraliser, qu’une végétation variée recolonise le sol. A nouveau rempli d’eau claire et ré-empoissonné, l’étang assurera le maintien de la biodiversité ».

« Nettoyer un étang, poursuit-t-il, permet de bien entretenir la chaîne alimentaire et de bien gérer un écosystème ; si tel étang, par exemple, est ré-empoissonné avec des petits gardons, cela permettra de garder des eaux claires : comme ce poisson ne remue pas la vase, la lumière pénètrera mieux dans l’eau, la végétation s’y développera donc plus favorablement, les eaux ne seront pas troublées et les grèbes y trouveront favorablement à s’y nourrir tant de petits poissons que de larves d’insectes ».

D’autres oiseaux appelés limicoles -comme le vanneau huppé, le chevalier gambette ou le courlis courlieu- ont besoin d’une vase riche et dense pour trouver de petits vers en la fouillant de leurs longs becs. Si le vanneau en phase de nidification préfère les parcelles avec une herbe assez rase (en général moins de 10 cm), le chevalier, quant à lui, utilise une gamme plus large. D’autres oiseaux ont besoin de nénuphars pour se poser, de roseaux pour se percher ou pour nicher, de graminées pour se nourrir.

En période d’hivernage, le parc retient plus de dix mille palmipèdes et trente cinq mille vanneaux qui partagent le territoire avec les grandes aigrettes, les foulques et les cormorans. Et puis, « en période de migration, les résidents reçoivent alors la visite de crabiers chevelus, de grues -qui survolent les étangs par milliers-, et de limicoles tels que le chevalier combattant ou la bécassine des marais, qui s’installent là pour quelques mois ». 

 

Les hôtes indésirables

L’entretien du parc passe aussi par la lutte contre les ‘aliens’ -ces espèces indésirables qui colonisent l’écosystème au point de totalement en fragiliser l'équilibre. La perche arc-en-ciel ou le poisson-chat sont, parmi les poissons, des hôtes indésirables -qui, par ailleurs, ne sont pas commercialisables (contrairement aux carpes, tanches et brochets, qui font la richesse des éleveurs de la région).

Le ragondin mobilise également l’attention des gestionnaires du parc : en détruisant la végétation, ce mammifère déstabilise l’écosystème : « grand amateur de nénuphars, de roseaux et autres joncs, le ragondin -à l’origine importé d’Amérique du sud pour sa fourrure- détruit l’habitat de nombreuses espèces. L’animal a fini par coloniser les étangs aux dépens des écosystèmes autochtones d’où, actuellement, une pression de piégeages divers et de tirs à son encontre pour préserver les autres espèces », explique Thibaut Michel.

La jussie, une plante aquatique importée elle aussi par l’homme pour agrémenter les aquariums,  a proliféré également en Brenne. En se développant de manière très dense, cette plante étouffe le milieu où elle prospère. Des campagnes d’arrachage sont régulièrement organisées pour réduire son impact. Enfin, l’écrevisse rouge de Louisiane importée en Espagne au début des années 1980, constitue un autre fléau -et non le moindre-. Bénéficiant d’un très fort taux de reproduction, cette écrevisse va jusqu’à détruire 98% des espèces autochtones. Présente en Brenne depuis deux ans, elle fait l’objet de protocoles spécifiques pour limiter son impact.

Pour en savoir plus :

Consulter les sites suivants :

- de l'UICN et des Ramsar

- du Parc naturel régional de la Brenne, de la Maison de la Nature, de la Réserve naturelle de Chérine

-  de l'Institut national de Recherche agronomique / La Brenne

- de l'Opie

- du Centre national de recherche scientifique (CNRS)

Lire La Brenne, nature en héritage d'Elisabeth et Jacques Trotignon (éditions Alan Sutton, collection Passé simple)

 

 

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