(Première publication : 2 septembre 2009).
L’un, Aaron, tient une boucherie, est marié et père de quatre enfants. L’autre, Ezri, beaucoup plus jeune, est un étudiant à la réputation qui inspire au voisinage au mieux un silence réprobateur, au pire des commentaires peu amènes. Quand celui-ci se présente à son magasin pour gagner quelque argent, Aaron accepte de le prendre sous son aile, lui offrant même de l’héberger dans l’arrière-boutique. De cette proximité quotidienne, voire de cette promiscuité, nait peu à peu une complicité amicale et fraternelle, qui se meut bientôt en attirance physique que le très respecté Aaron ne peut (ou ne veut plus) brider. Un amour réciproque qui dépasse les deux hommes au point donc de réussir à faire céder les principes, les valeurs et le malaise d’Aaron.
Celui-ci rentre de plus en plus tard à la maison le soir, négligeant les dîners en famille, il est de moins en moins assidu aux séances de prières et d’exégèse organisées par la communauté juive ultra-orthodoxe de son quartier dont il est un membre respecté… Bref, son attitude, ses absences répétées et les horaires d’ouverture et de fermeture de sa boucherie de plus en plus aléatoires lui valent des récriminations d’abord apaisées, puis de plus en plus menaçantes et intrusives des religieux, à commencer par le rabbin. Les tenants de l’ordre l’accusant de se détourner du droit chemin indiqué par la Torah et forçant Aaron à se déterminer, en un mot, à choisir.
Car pour la communauté, point de salut hors la plus stricte observance des Textes. Or tout le film du jeune Haim Tabakman, 34 ans, consiste précisément à sortir de ce discours culpabilisant pour mettre sur le même plan l’amour que se portent les deux hommes - avec en prime l’idée d’une révélation pour au moins l’un des deux - et la foi, faite de mystère et de « sublime », et surtout de cette transcendance qui irrigue également le sentiment amoureux. La mise en scène travaille en ce sens, installant une lenteur qui souligne plus encore la profondeur de l’amour qui unit les deux hommes. Quant à la quotidienneté aux tonalités grises et ternes dans laquelle baigne le film qui ne véhicule aucune scène saillante ou détonante, elle n’est là que pour montrer l’extrême surveillance qui régit la vie dans la communauté juive ultra-orthodoxe (tant et si bien d’ailleurs que lorsqu’Aaron et Ezri s’embrassent pour la première fois, c’est dans la chambre froide, et que la boucherie devient finalement leur seul havre de paix) ainsi que la souffrance que cette relation nouvelle induit pour Aaron et pour les siens.
Mais la faiblesse de Tu n’aimeras point, sorte de 11e commandement par l’absurde derrière lequel s'entend le plus classique « Tu ne commettras point d'adultère », tient peut-être justement dans cette manière démonstrative de surligner le propos même si la dernière scène du film où l’on voit Aaron se baigner seul dans un lac, là-même où lui et son amant s’étaient baignés ensemble, laisse au spectateur le choix d'écrire sa propre fin…