Conséquence de son entrée en bourse il y a deux mois, Facebook est désormais dans l’obligation de rendre des rapports à l'organisme américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers (SEC). Dans le premier document boursier transmis par l’entreprise de Mark Zuckerberg au début du mois d’août, on apprend que le réseau social estime à 83 millions le nombre de faux comptes sur son réseau : autant de doublons, profils fantômes et autres spammeurs que l’entreprise entend désactiver.
1,5% de profils « malhonnêtes » sur Facebook
Selon la compagnie de Mark Zuckerberg, ces profils indésirables se divisent en trois catégories. Tout d’abord, les « comptes dupliqués » d’utilisateurs déjà inscrits. Ces doublons représenteraient 4,8% de l’ensemble des comptes présents sur Facebook. Ensuite 2,4%, soit 23 millions de profils, serait des « comptes mal classifiés » dédiés à des entreprises, des sociétés ou même des animaux de compagnie. Une utilisation interdite par le site, qui a crée la catégorie « pages » pour les profils ne correspondant pas à une personne physique. Enfin, 1,5% de l’ensemble des comptes Facebook serait des « indésirables » à vocation malhonnête et frauduleuse.
Pour permettre à Facebook de vendre sa publicité ciblée aux entreprises, chacun des 955 millions de profils actifs du réseau doit correspondre à un utilisateur bien réel, c'est-à-dire à un potentiel consommateur. C’est en ce sens que cette importante masse de faux comptes biaise l’offre de la société de Mark Zuckerberg. Un déficit de crédibilité auprès des annonceurs qui pourrait à terme sérieusement porter préjudice à ses revenus. Fin juillet, Facebook avait déjà annoncé une perte nette de 157 millions de dollars au deuxième trimestre 2012. Le site vient d’ailleurs de prendre une nouvelle mesure controversée pour contrer le phénomène en incitant activement ses membres à dénoncer les profils inscrits sous des pseudonymes.
Sur Twitter, le faux « follower » a un prix
Un compte Twitter n’a aucune obligation de correspondre à une personne réelle. Profils loufoques et parodies d’institutions ou de personnalités publiques, des philosophes de l’antiquité aux dictateurs de l’ère moderne, rencontrent un franc succès, à l’instar de l’hilarant @KimJongNumberUn et ses 160 000 abonnés.
Mais le site de micro-blogging est aussi connu pour abriter un grand nombre de comptes bidons gérés par des robots informatiques appelés « bots », destinés à diffuser des spams publicitaires ou dans certains cas, gonfler le nombre d’abonnés des plus offrants.
Une économie parallèle s’est ainsi développée sur internet, avec de nombreux sites offrant d’accroître artificiellement le nombre de followers (littéralement les « suiveurs » sur Twitter) des utilisateurs désireux d’améliorer leur « e-réputation ». Sur ces sites, les 100000 followers se vendent aux alentours de 500 $. Un chiffre qui ne paraît pas excessif, tant l’influence d’une personnalité sur Twitter est liée à son nombre d’abonnés, qui peuvent lui rapporter gros.
En 2009, le tabloïd britannique The Daily Mail avait rapporté que Kim Kardashian facturait 10 000 $ (8 000 euros) à diverses marques chaque tweet vantant leurs produits à ses 2 millions d’abonnés. Aujourd’hui, la star de la télé réalité américaine compte 15 millions de followers…
De son côté, Marco Camisani Calzolari, un universitaire et entrepreuneur italien, prétend avoir mis au point un algorithme mathématique permettant de différencier les « vrais » abonnés, dits «humains », des robots. En juin dernier, après avoir scanné 39 grands groupes internationaux (dont @DellOutlet, @BlackBerry, @CocaCola, @IKEAITALIA), il a estimé que 46% des followers de ces compagnies était des « fakes », c'est-à-dire des faux.
Mitt Romney, Newt Gingrich et Beppe Grillo : quand les politiques achètent leur followers
La campagne 2.0 de Barack Obama en 2008 sert toujours de mètre-étalon en matière de stratégie numérique électorale. Pour les politiques, le nombre de followers suivant leur compte officiel est devenu un véritable enjeu, poussant certains à tricher. Il y a un an, alors que les primaires républicaines à l’élection présidentielle américaine débutaient, Newt Gingrinch se vantait d’avoir six fois plus d’abonnés que tous les autres candidats réunis. Le lendemain, le site Gawker assurait qu’un des assistants du candidat républicain leur avait révélé que la plupart de ses 1,325 millions de followers avaient été tout simplement achetés.
Fin juillet, le site d’analyse de donnée 140elect accusait Mitt Romney de manipulations similaires, remarquant l’augmentation anormale du nombre d’abonnés au profil du prétendant à la Maison Blanche entre le 20 et 22 juillet, alors qu’aucun événement de l’actualité n’expliquait ce brusque pic de popularité.
Le même mois, en Italie, Marco Camisani Calzolari appliquait sa méthode au compte de l’agitateur politique italien Beppe Grillo, le leader du parti anti-corruption « Mouvement 5 étoiles » qui créa la surprise lors des dernières élections municipales italiennes. Selon le professeur milanais, 54% des 600 000 abonnés de Grillo seraient de faux comptes automatisés.
Dans le cas de Twitter comme de Facebook, la capacité à faire le ménage dans ces comptes fantômes pourraient s’avérer décisive dans la bataille pour attirer les annonceurs, la précaire rentabilité des réseaux sociaux reposant actuellement principalement sur les revenus publicitaires.