Des dizaines de membres d’association ont répondu aux appels de détresse lancés par des dizaines de milliers de ces migrants de l’intérieur. Au cours de leur distribution de nourriture, ils les ont interrogés. Un collectif appelé Swan est alors né.
Épaulés par des chercheurs, ils ont pu établir l’un des premiers rapports à grande échelle sur cette crise humanitaire. Et établir un profil de ceux touchés. Sur les 11 000 personnes interrogées, 79 % sont des travailleurs journaliers du bâtiment ou d’usines. Leur revenu moyen était de moins de 5 euros par jour, ce qui implique une grande précarité : ils n’ont pas d’économies et la moitié n’avait qu’une journée de réserves alimentaire au moment du sondage. Ce qui entraîne des situations dramatiques.
Un groupe de 240 travailleurs de Bangalore a ainsi témoigné ne manger qu’une fois par jour pour économiser. Un ouvrier du Pendjab, isolé, n’avait, lui, pas mangé pendant quatre jours quand les bénévoles l’ont rencontré. Certains journaliers vivent aussi avec leurs enfants et ces derniers sont en train de tomber malades à cause de cette disette.
Aide d'urgence mal distribuée
Le gouvernement central a annoncé il y a un mois une aide de plus de 20 milliards d’euros pour la population la plus précaire. Mais très peu de ces migrants indiens de l’intérieur la reçoivent, car ils ne sont pas enregistrés dans les villes où ils sont venus travailler. Ils vivent sous les radars, presque invisibles des autorités qui ont décidé de ce confinement brutal sans anticiper leur détresse.
Au 13 avril dernier, 95 % d’entre eux n’avaient donc reçu aucun sac de riz ou de lentilles de l’État, et 70% d’entre eux aucun repas gratuit. Ces chiffres varient toutefois en fonction des régions : les États de New Delhi et du Kerala, dirigés par des gouvernements de gauche, ont organisé des soupes populaires dans leurs écoles. Ce que n’a pas fait le Maharashtra, où se trouve Bombay, qui compte pourtant le plus grand nombre de ces migrants.
Pas de perspective avant la mi-mai
Cela fait donc un mois que l'Inde est confinée et les activités ne devraient pas reprendre avant plusieurs semaines. Que deviendront ces travailleurs ? Certains gouvernements régionaux demandent que des bus spéciaux soient affrétés pour rapatrier ces millions de travailleurs au chômage. Mais cela semble peu probable car cela pourrait répandre le virus dans leurs villages d’origine.
Pour l’instant, ils vivent donc entassés dans de minuscules appartements ou dans des foyers d’hébergement. Et ils ne devraient pas pouvoir travailler avant la mi-mai au minimum, ce qui va accroître leur précarité. Selon le Bureau international du travail, 400 millions d’Indiens pourraient tomber sous le seuil de pauvreté à cause de cette crise économique. Ces travailleurs journaliers seront certainement les premiers concernés.
► À écouter : Coronavirus: en Inde, le casse-tête du suivi scolaire des plus précaires