Avec notre correspondante en Afghanistan, Sonia Ghezali
Près de 100 000 policiers et militaires ont été mobilisés toute la journée pour assurer la sécurité du scrutin qui oppose dix-huit candidats, dont le président sortant et le chef du l’exécutif sortant. Il y a près de 10 millions d’électeurs inscrits officiellement, mais en raison des menaces terroristes, l’abstention devrait être encore très forte pour ce scrutin. Et les opération ont pris du retard, comme dans ce bureau de vote du centre de la capitale, Kaboul.
Tension palpable
Entre les quatre murs de cet édifice, le ton monte entre les policiers et les agents des services de renseignements chargés de la sécurité du bureau de vote. Ils se disputent sur le partage des tâches. Les esprits finissent par se calmer. La tension est palpable. A l’intérieur, tout n’est pas prêt à temps. Le bureau ouvre finalement avec 1h30 de retard.
Ahmad Ali rentre et ressort presque aussitôt, contrarié : « J’habite dans cette rue. L’adresse est notée sur ma carte d’identité. C’est donc dans ce bureau de vote que je suis enregistré. Mais là, ils viennent de me dire que je ne suis pas sur la liste, mon nom n’est même pas dans le système biométrique. Je ne comprends pas ; j’ai déjà voté dans ce bureau de vote, deux fois dans le passé. C’est ici que j’ai voté il y a cinq ans pour la dernière présidentielle. »
Alors qu’il tourne les talons et repart chez lui, une explosion retentit au loin. Une bombe a explosé dans un bâtiment en construction près d’un bureau de vote dans le nord de la ville. Les talibans ont prévenu qu’ils s’attaqueraient au processus électoral.
Zakaria Husseini, quant à lui, est allé voter malgré tout. Il refuse de céder à la peur : « Moi, je n’ai peur de rien, parce que je veux que mon pays aille mieux. Je suis venu pour le futur de l’Afghanistan, pour la reconstruction de mon pays. J’étais obligé de venir voter. »
Un vote au compte-gouttes
Les rues de Kaboul sont néanmoins presque désertes. Les voitures de police patrouillent sans cesse. C’est au compte-gouttes que les électeurs se sont présentés dans les bureaux de vote.
La CEI se félicite du bon déroulement
Le scrutin s’est achevé vers 17 heures locales, avec deux heures de retard pour permettre à ceux qui faisaient encore la queue de voter. Selon les services de sécurité, les attaques des talibans n’auraient fait que cinq morts et un peu moins de quarante blessés. Un bilan qui pourrait grimper d’ici demain, dimanche.
Le bilan paraît très faible par rapport aux 60 morts des législatives de l'an dernier. Et on se rappelle que lors du second tour de la dernière présidentielle en 2014, le bilan avait d’abord été négligeable avant de grimper à plus de 100 morts le lendemain du vote.
Selon le ministre de la défense afghan ce samedi « l’ennemi a mené 68 attaques » - plusieurs centaines selon les talibans - « contre des bureaux de vote dans tout le pays ».
À Kaboul, les forces de sécurité avaient investi les rues et interdit aux camions d’entrer dans la capitale. La campagne commencée fin juillet a été particulièrement sanglante, avec de nombreux attentats. Et la peur semble avoir fait en partie son œuvre, puisque selon la Commission indépendante afghane des droits de l’homme la participation cette fois paraît basse, particulièrement celle des femmes.
Pour ce qui est de l’organisation technique, la Commission électorale indépendante se félicite : « nous avons eu une bonne élection ». Mais, comme prévu, les plaintes sont surtout venues d’électeurs n’ayant pas pu voter, car leurs noms ne se trouvaient pas sur les listes. Ce qui fait évidemment craindre des fraudes, de quelle ampleur ? C’est toute la question. Les résultats préliminaires sont attendus dans trois semaines.
RFI
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