Ce pourrait être le nom d'un film, et pourant c'est bien ce qu'il s'est passé à Hong Kong dimanche 14 juillet. Pour la cinquième semaine consécutive, des milliers de personnes ont manifesté contre le projet de loi sur les extraditions, et la journée a été marquée par des heurts avec les forces de l'ordre ; les affrontements les plus durs ont eu lieu dans la soirée à l'intérieur d'un centre commercial, théâtre d'une véritable « bataille rangée au millieu des boutiques de luxe ».
Une fin chaotique pour une journée de manifestation à nouveau très suivie, puisque des dizaines de milliers de personnes ont défilé dans les rues de Sha Tin, dans le nord de Hongkong, dans les nouveaux territoires. Un cortège assez varié, avec des manifestants de tous les âges dénonçant la loi d’extradition, mais aussi le système politique sclérosé de Hong Kong, qui fait que les dirigeants ne représentent pas le peuple, et l’influence grandissante de la Chine.
En fin de défilé, il ne restaient plus que des jeunes, qui ont monté des barricades, et pour certains lancé des projectiles contre la police, avant d’être repoussés vers le fameux centre commercial, un lieu très fréquenté. La décision de la police de pénétrer dans cette enceinte à la poursuite des manifestants fait débat ce lundi dans la classe politique hongkongaise. Car l’attaque de la police a donné lieu à des scènes de confuses, alors que les clients étaient encore nombreux.
La police, souvent en très petit groupe, cherchait apparemment à procéder à des arrestations, mais la tension est montée très vite, d’autant que des cordons de policiers bloquaient la plupart des issues. Sur place, on hésite entre l’amateurisme des forces de police ou une volonté de faire pourrir le mouvement en exacerbant les violences. Quelque 37 interpellations ont été menées, et 22 manifestants ont été conduits à l’hôpital, dont deux dans un état critique d’après la presse. De leur côté, 11 policiers ont été blessés.
Des Hongkongais inquiets de perdre leurs libertés
Une fois de plus, ils étaient donc des dizaines de milliers à défiler. Les promesses de Carrie Lam, la cheffe de l’exécutif de Hong Kong, n’ont pas suffi à apaiser les habitants : en début de semaine dernière, elle avait déclaré que la loi d’extradition vers la Chine continentale pour y être jugés était « morte de vieillesse », mais avait refusé de s’engager à un retrait du projet de loi, laissant planer le doute sur ses intentions, comme l'explique notre envoyé spécial à Hong Kong, Simon Leplâtre.
« Elle refuse d’utiliser le terme "retirer", un mot qui a des conséquences légales, alors que l’expression qu’elle utilise, "morte de vieillesse", c’est juste une expression chinoise, elle joue sur les mots », dit un monsieur en cantonnais. Certains voulant échapper à la reconnaissance faciale de la police portaient des masques sur le visage. Parmi eux, des manifestants complètement cagoulés paraissaient préparés à en découdre.
Déjà la veille, à Sheung Shui, la manifestation contre les « commerçants parallèles » Chinois qui viennent profiter des taxes plus faibles, s'était terminée par des confrontations avec la police. Dimanche, le cortège est donc passé par le quartier de Sha Tin, dans les nouveaux territoires, une zone plus résidentielle et plus populaire. Les manifestants cherchent à varier les parcours et aller vers des publics peut-être moins politisés, mais qui peuvent toutefois être sensibles aux slogans des manifestations.
Contestation basée sur l’inégalité : les grands électeurs soutiennent Shanghai
La contestation se base également sur une grande frustration d’une partie de la population face aux inégalités. Si le social rejoint le politique, c’est parce que ce sont les grands électeurs - les plus riches et les milieux des affaires - qui soutiennent le gouvernement pro-chinois. Les manifestants demandent toujours le retrait officiel de la loi d’extradition. Dans des déclarations à RFI, ils disent que les promesses de la cheffe de l’exécutif ne suffisent pas et veulent un retrait en bonne et due forme. Ils demandant aussi une enquête sur les violences policières.
Plus généralement, derrière cette loi se trouve l’influence de la Chine, qui inquiète. Car les Hongkongais sont informés, ils savent bien que la situation des droits de l’homme en Chine se détériore et plusieurs en font part. Ils ont encore beaucoup plus de libertés que les Chinois et ils savent qu’ils ont beaucoup à perdre.
« Comme vous le savez, il se passe beaucoup de choses terribles en Chine, très inhumaines, on le voit avec les événements au Xinjiang et au Tibet actuellement, dit un commerçant trentenaire présent à la marche. C’est de ça qu'on a peur : perdre nos libertés. » Pour l’instant, la Chine appelle le gouvernement de Hong Kong à la fermeté, ce qui ne devrait pas aider à trouver des concessions. Les manifestants eux, sont déterminés à revenir et, selon eux, tous les week-ends s’il le faut.
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