De notre correspondant à Séoul,
Le gouvernement japonais restreint l’exportation en Corée du Sud de fluorure d’hydrogène et de deux autres produits chimiques. Des composants fabriqués presque exclusivement au Japon et indispensables à la fabrication de semi-conducteurs et d’écrans de smartphones.
La mesure frappe ainsi une industrie vitale pour l’économie sud-coréenne. Afin d'exporter ces produits chimiques, il faut à présent l’autorisation de Tokyo, qui peut prendre trois mois.
Un coup dur pour la Corée du Sud
Pour Séoul, ces sanctions inattendues sont des mesures de rétorsion prises suite à la récente condamnation par la Cour suprême sud-coréennes d’entreprises japonaises, accusées de travail forcé pendant la Seconde Guerre mondiale.
Tokyo nie le fait qu’il s’agisse de représailles, mais sans convaincre grand-monde.
La Corée du Sud a annoncé qu’elle allait déposer une plainte auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
« Les pertes pour l’industrie coréenne des semi-conducteurs et des écrans seront inévitables », estiment des analystes dans la presse coréenne. L’impact pourrait être mondial, puisque les constructeurs coréens de puces électroniques, tels que Samsung et SK Hynix, représentent plus de 70% de la production de la planète.
Mais cet impact pourrait n’être que temporaire, la Corée du Sud a déjà annoncé qu’elle envisageait d’investir 760 millions d’euros pour produire elle-même ces composants chimiques, afin de ne plus être dépendante du Japon.
Ces représailles pourraient donc se retourner contre les entreprises japonaises, qui risquent de perdre leurs principaux clients. D’ailleurs, en 2010, quand le Japon avait été frappé par la Chine de sanctions limitant ses importations de terres rares, nécessaires pour son industrie électronique, ses entreprises avaient trouvé des moyens de remplacer leurs fournisseurs chinois.
Des relations tendues entre les deux pays
La Corée du Sud accuse toujours le Japon, son ancien occupant, de ne pas faire suffisamment acte de contrition pour les crimes commis pendant la colonisation, alors que le Japon du très nationaliste Premier ministre Shinzo Abe estime pour sa part s’être suffisamment excusé dans le passé.
En octobre, la Cour suprême sud-coréenne a condamné l’aciériste japonais Nippon Steel à indemniser quatre Sud-Coréens pour travail forcé pendant la guerre. Mais Tokyo considère que cette question des compensations a déjà été réglée par un traité bilatéral signé en 1965. Depuis, les relations s’enveniment.
Le problème est aggravé par le désintérêt des États-Unis pour la question. Dans le passé, Washington accourait à chaque différend pour rappeler ses deux alliés militaires au calme, au nom des intérêts stratégiques communs. Mais l’Amérique de Donald Trump ne joue plus ce rôle d’intermédiaire pacificateur.