RFI : Comment interpréter cette radicalisation d'une partie des manifestants ? Comment est-elle vécue d'abord à Hong Kong ?
Marie Holzman : À Hong Kong, c’est un choc évidemment. Les Hongkongais sont connus pour leur grand sens civique et leur respect justement de l’ordre. La manifestation des 2 millions de Hongkongais il y a dix jours était frappante pour cela. Pas une vitre cassée, pas une poubelle renversée. Tout s'est déroulé dans le calme et le respect de la loi. Donc, les évènements de la nuit dernière sont très choquants pour les Hongkongais et pour le gouvernement chinois évidemment.
Est-ce que c’était aussi choquant de faire usage, par exemple, de ces gaz lacrymogènes qui sont aussi inhabituels à Hong Kong ?
Je vous avoue, comme nous sommes au 30e anniversaire du massacre de la place Tiananmen, quelques gaz lacrymogènes ne nous choquent pas outre mesure. Nous, ce que nous craignons le plus, c’est que l’armée chinoise intervienne à un moment ou un autre. Ça, ce serait beaucoup plus dramatique.
Jusqu'à présent, la Chine est restée plutôt silencieuse face à la crise. Le gouvernement central de Chine vient de réagir aujourd’hui en condamnant avec la plus grande énergie. Quel pourrait être justement la réaction, l’attitude de la Chine face à la crise hongkongaise ?
C’est la grande question. Il est évident que le gouvernement de Hong Kong est complètement contrôlé par le gouvernement chinois. Carrie Lam (dirigeante de Hong Kong) a accepté d’envisager, et c’est ça qui a mis la population dans la rue, une loi d’extradition des criminels vers la Chine. C’est cette proposition-là qui a créé la fureur, mais qui est aussi dictée par la Chine pour mieux contrôler les mouvements de pensée libre à Hong Kong.
Or, ce que la Chine craint, c’est une contagion de la revendication démocratique, de la revendication d’un État de droit. Et, en ce moment, la population à Hong Kong est en train de nous montrer dans un miroir en quelque sorte, ce qu’ils ne veulent pas et je crois que cette attitude des Hongkongais est évidemment admirable. Ils s’acharnent à nous démontrer que le gouvernement chinois est un gouvernement liberticide, c’est à nous de montrer que nous les avons compris.
Quelles solutions voyez-vous pour la crise à Hong Kong ? Pour le moment, on a vu que la présidente avait suspendu ce projet de loi d’extradition. Est-ce que finalement la solution serait le retrait pur et simple de ce projet ?
Ça, c’est évident. Le problème, c’est que le gouvernement chinois aurait peut-être accepté soit de laisser ce projet s’évanouir à l’horizon, soit de l’abolir. Malheureusement, les évènements d’hier risquent de changer la donne, le gouvernement chinois ne va pouvoir que se durcir et refuser d’agir sous la pression.
Donc, la situation maintenant est dramatique, parce que si on commence à extrader des manifestants à Hong Kong vers la Chine, c’est clair qu’ils vont être condamnés très lourdement. Ça peut aller jusqu’à 10 ou 15 ans de prison. Donc, les Hongkongais sont inquiets et ils vont continuer à se battre. Jusqu’où ces manifestations, ces explosions de violence peuvent-elles continuer ? Réellement, je suis vraiment très inquiète pour l’avenir de Hong Kong.