Plus d'un million de personnes ont manifesté ce 9 juin à Hong Kong pour protester contre un projet du gouvernement local d'autoriser des extraditions vers la Chine continentale, selon l'estimation des organisateurs. Les manifestants ont défilé dans les rues étroites de l'île principale, formant un cortège bruyant et brandissant des pancartes rouges « No extradition ».
Ce projet des autorités hongkongaises pro-Pékin, qui suscite la colère de la population et, selon ses détracteurs, placera la population à la merci d'un système judiciaire chinois opaque et politisé, a été à l'origine de la plus importante manifestation à Hong Kong depuis le « mouvement des parapluies » de 2014.
Les autorités tentent de faire voter au Conseil législatif, le Parlement local, ce texte qui autoriserait les extraditions vers les pays, dont la Chine continentale, avec lesquels il n'y a pas d'accord en ce sens.
Disparitions inquiétantes
L'exécutif de la région semi-autonome affirme que cette loi doit combler un vide juridique et qu'elle est nécessaire notamment pour permettre l'extradition vers Taïwan d'un Hongkongais recherché pour meurtre. Mais ses détracteurs affirment que ce dossier de meurtre n'est qu'un prétexte pour satisfaire Pékin.
♦ INVITÉ MI-JOURNÉE : Projet de loi sur l'extradition à Hong Kong: «L'ensemble de la société est mobilisée»
La suspicion envers la Chine est renforcée par une série de disparitions de personnalités critiques envers le pouvoir chinois, dont un groupe d'éditeurs dissidents et un milliardaire, qui sont ensuite réapparues en détention sur le continent.
En vertu de l'accord de rétrocession conclu entre Londres et Pékin, Hong Kong jouit jusque 2047 d'une semi-autonomie et de libertés qui n'existent pas en Chine continentale.
► REPORTAGE
Avec notre correspondante à Hong Kong, Florence de Changy
C’est en scandant « Non à l’extradition en Chine » et « Carrie Lam, démission » que des centaines de milliers de Hongkongais ont marché paisiblement dimanche après-midi dans un cortège tellement long qu’il était loin d’être arrivé cinq heures après le début de la marche.
D’abord mal compris, ce projet de loi facilitant l’extradition vers la Chine a finalement touché une corde sensible chez les Hongkongais qui sont fiers de leur justice indépendante de la Chine et qui revendiquent les acquis du principe « Un pays, deux systèmes ».
Pansy Tsoi est une retraitée qui affirme s’opposer à cette loi, non pas parce qu’elle est visée, mais pour l’impact que cette loi aura sur Hong Kong : « Cette loi est très problématique. Elle met les gens de Hong Kong en danger. Si la loi est votée, alors, les sociétés étrangères vont quitter Hong Kong et Hong Kong va devenir une ville morte. C’est risqué pour les gens riches, c’est pour cela qu’ils sont très inquiets. Mais les classes moyennes aussi. »
Beaucoup sont venus en famille, avec des poussettes et des jeunes enfants. Mary Wong est avec son fils de 10 ans : « Pour nos enfants, on n’entrevoit aucun futur. On sait que le gouvernement chinois n’est pas fiable. »
Une dizaine d’activistes ont par ailleurs entamé un sit-in devant le Parlement en réclamant un dialogue avec la cheffe de l’exécutif avant mercredi, date à laquelle le Parlement local doit examiner le texte en seconde lecture, selon une procédure accélérée.
« Cela risque de très mal se passer »
Pour Lee Wing Tat, ancien député et désormais président du Parti démocratique, l'un des plus anciens partis d'opposition à Hong Kong, le gouvernement hongkongais va devoir revoir sa copie suite à cette manifestation d'ampleur.
« Je pense que si le gouvernement ne change rien dans les semaines à venir, quand la loi va être examinée au Parlement (LEGCO), cela risque de très mal se passer. Parce que les gens de Hong Kong ne vont pas accepter de s’arrêter à cela et ne rien faire de plus. Je pense que le gouvernement de Hong Kong doit revoir son attitude, suspendre la loi et ouvrir une nouvelle consultation du public »
F.C
À ÉCOUTER : Les Hongkongais se mobilisent contre un projet de loi d’extradition vers la Chine
À LIRE : «Un pays, un système et demi»: Hong Kong face à l'érosion de son autonomie