Nouvelle-Zélande: à Christchurch, on veut célébrer le «vivre-ensemble»

Tout autour du parc Hagley à Christchurch, à proximité de la mosquée où l'on dénombre le plus de victimes, des Néo-Zélandais de tous milieux sociaux confondus viennent rendre hommage aux victimes des attentats de vendredi ; et le tout malgré la pluie d'automne. Tous ont voulu dire leur respect pour les musulmans et célébrer ce « vivre-ensemble » typiquement néo-zélandais.

Avec notre envoyée spéciale à Christchurch, Carrie Nooten

Un haka maori (danse chantée, rituel des îles du Pacifique Sud, NDLR) pour rendre hommage aux victimes et leur souhaiter bonne chance dans l’au-delà : l’hommage est très solennel ici. Et applaudi par les habitants qui défilent, bouquet de fleurs ou de fougère (symbole national néo-zélandais) à la main.

Le révérend Andrew Donaldson représente l’église méthodiste au sein du comité interreligieux de Christchurch. Il vient de passer la matinée avec sa congrégation : « Il y avait de l’angoisse et des pleurs, c'est une petite ville, et certains ont des voisins qui ont perdu des proches. Alors on a partagé les histoires et prié pour les victimes. »

A ses côtés, Surinder Tandon, le représentant hindou au comité interreligieux explique que tout le monde est derrière la communauté musulmane : « De nombreux groupes des temples sikhs, hindous ou des églises, ont proposé leurs lieux de culte aux amis musulmans. Ils offrent aussi de la nourriture, ou des moyens de transport pour aider les familles à transférer les corps. Donc on est vraiment tous ensemble dans cette situation. »

Et maintenant, s'organiser

Après les pleurs et le choc, le temps est à l’organisation à Christchurch : il faut établir une liste définitive des victimes, au moins deux corps doivent encore être identifiés, accueillir quelque 200 familles qui viennent du monde entier, récupérer les dépouilles de leurs proches, essentiellement immigrées, et soutenir psychologiquement les rescapés. Pour ce faire, les communautés musulmanes se sont organisées par ethnies, car ce n’est pas une communauté homogène. Mais il y a en fait, une vingtaine de groupes concernés par la tuerie de vendredi : des musulmans de Somalie, d’Egypte, d’Afghanistan, du Bangladesh ou d’autres pays d’Asie.

La communauté musulmane reste marginale comparée à la population néozélandaise : juste 1%. Alors les renforts ont afflué ici pour aider, d’Auckland, d’autres villes de Nouvelle-Zéllande et même d’Australie. Les secours continuent à travailler dur, eux aussi. Ils ont été rejoints par des spécialistes australiens de l'authentification des victimes. Car, bien sûr, la priorité pour les familles, c’est de pouvoir enterrer leurs proches le plus rapidement possible selon les coutumes musulmanes.

Un bilan qui aurait pu être plus lourd

Et le bilan, qui s’élève maintenant à 50 morts et 50 blessés, aurait pu être plus lourd si un fidèle ne s’était pas mesuré au tireur lors de l’attaque de la seconde mosquée. Abdul Aziz, un fidèle afghan de 48 ans de la mosquée de Linwood, qui réside à Christchurch depuis deux ans et demi, participait à la prière vendredi avec ses quatre fils. Il n’a pas hésité à s'opposer à Brenton Tarrant, jusqu’à le faire partir. Les autorités estiment qu’il a sauvé une cinquantaine de personnes au moins.

« J’ai vu l’attaquant, dit Abdul Aziz, j’ai jeté sur lui une machine à carte de crédit. Il a réussi à attraper une arme et a commencé à me tirer dessus. Je me suis caché entre les voitures. Deux de mes fils ont essayé de me retenir "Papa, s’il te plaît, reviens !" Je leur ai dit "Vous restez bien cachés, tout ira bien pour moi". J’ai couru derrière la mosquée, vers le parking, j’ai vu un corps avec une arme. Quand j’ai essayé de tirer, il n’y avait plus de balle dedans 

« Alors, continue cet Afghan de 48 ans, j’ai juste crié : "Reviens, je suis ici !" Et je me suis dirigé vers l’entrée de l’arrière de la mosquée. Je ne sais pas si il m’a vu ou pas, mais il a lâché son arme et a couru vers sa voiture. Je l’ai poursuivi, j’ai lancé l’arme que j’avais dans la main et cela a cassé la vitre du véhicule. Il a eu peur. J’ai couru après sa voiture, pieds nus, arme à la main. Il est passé au feu rouge. Et il a disparu. »


Facebook en question

Ce dimanche 17 mars, la Première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern a indiqué qu'elle attendait des explications de Facebook et d'autres réseaux sociaux sur la diffusion en direct des images du carnage dans les mosquées de Christchurch, qui a fait 50 morts. L'extrémiste australien Brenton Tarrant a en effet réussi à filmer et diffuser en direct sur Facebook le massacre, dans une vidéo où on le voit passer de victime en victime, tirant sur les blessés à bout portant alors qu'ils tentent de fuir.

Le groupe américain indique qu'il est parvenu à supprimer la vidéo de dix-sept minutes. Mais elle avait auparavant été partagée de nombreuses fois sur YouTube et Twitter, et les réseaux sociaux ont été à la peine pour retirer les images. « Nous avons fait tout ce que nous pouvions pour retirer ou obtenir que soient retirées certaines des images qui ont circulé dans la foulée de cette attaque terroriste », a déclaré Mme Ardern. « Mais au final, c'est à ces plates-formes qu'il appartient de faciliter ces retraits ». « Je crois qu'il demeure des questions nécessitant des réponses », a-t-elle encore ajouté.

(Avec AFP)

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