Ce soir, le vrombissement des motos et des tuk-tuks agitant les bannières des 20 partis candidats s’est enfin arrêté, après avoir défilé toute la journée sur les routes du pays, constate notre correspondante à Phnom Penh, Juliette Buchez.
Tout au long de la campagne, c’est le logo du CPP, le Parti du Peuple cambodgien dirigé par le Premier ministre Hun Sen, qui a le plus occupé l’espace public. L’ultime rassemblement du parti de la majorité aurait attiré près de 250 000 participants à Phnom Penh.
Des estimations sans doute exagérées, mais c’est aussi le cas de celles des 19 autres partis. En comparaison, ceux-ci auraient rassemblé de quelques centaines de participants à 50 000 pour le parti de la Ligue pour la démocratie, scandant parfois « Hun Sen on arrive ».
La trêve électorale s’ouvre ce vendredi soir, à l’issue d’une campagne très critiquée, suite à la dissolution en novembre du Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP), le principal parti d’opposition. Ce dernier avait remporté 44,5 % des voix en 2013.
Son leader, Kem Sokha, a été emprisonné pour trahison. Cette absence a pesé sur toute la campagne qui, à en croire certains Cambodgiens, n’aurait pas suscité le même suspense, la même ferveur que lors du précédent scrutin.
Malgré la candidature des 19 autres partis, beaucoup prédisent donc déjà la victoire du CPP de Hun Sen, au pouvoir depuis 33 ans.
Appels au boycott de l'élection
Les principaux opposants au régime encore en liberté sont partis en exil par peur de représailles et appellent depuis l’étranger au boycott du scrutin, décrit comme une mascarade. Monovithya Kem, chargée de communication du CNRP affirme n’avoir « pas d’autre choix ». Puisque son parti est exclu de la course, « il est donc évident que tous les électeurs qui soutiennent le CNRP n'ont aucune raison d'aller voter, puisque leur parti n'est pas représenté ».
Mais ces appels risquent de ne pas avoir un impact « important », estime Sokry Zahron, membre du Politikoffee, un forum qui encourage les jeunes à débattre en politique. En effet, plus la date de l'élection approche et plus l’étau se resserre contre toute forme de contestation.
« Le gouvernement utilise tous les moyens pour décourager les électeurs de s'abstenir », explique le jeune homme. « Et le ministère de l'Intérieur a averti à plusieurs reprises que quiconque appelait au boycott serait poursuivi en justice. »
La police a d’ailleurs annoncé le déploiement dimanche de 80 000 policiers armés de fusils et de gilets pare-balles pour empêcher « tout acte de terrorisme et de chaos politique ».
RFI
Hun Sen, 33 ans au pouvoir, dirigeant le plus ancien d'Asie
Hun Sen est né en 1952 dans une famille de paysans du centre du Cambodge. Dès 16 ans, il flirte avec le militantisme politique et lorsque le Cambodge sombre en 1970 dans la guerre civile, il est enrôlé comme soldat dans ce qui deviendra l'armée des Khmers rouges, coupables par la suite d'un génocide dans lequel 20% de la population cambodgienne est exterminée.
Craignant de faire partie d'une purge de l'armée, il se réfugie au Vietnam. Un an plus tard, il revient au pays où il intègre le gouvernement mis en place par Hanoï.
Il gravit rapidement les échelons du pouvoir, abandonne le dogme communiste et adopte l'économie de marché. En 1985, à 32 ans, il devient Premier ministre de la République populaire du Kampuchéa, nom donné alors au Cambodge.
Malgré un échec aux premières élections organisées par l'ONU en 1993, Hun Sen réussit à se maintenir au pouvoir en tant que second Premier ministre, au côté du prince Norodom Ranariddh, leader des royalistes et vainqueur du scrutin.
Fin politique, aux remarquables capacités à dénicher et exploiter les faiblesses de ses adversaires politiques, Hun Sen ne perd plus une seule élection à partir de 1997 et réussit à étendre son influence dans les zones les plus reculées du pays.
RFI