« Placez une chaise vide de préférence au bord de la mer ou d’une rivière et postez cette photo sur les réseaux sociaux », telles sont les consignes données par le groupe d’action « Liberté pour Liu Xiaobo » aux partisans du dissident défunt.
Une chaise vide, comme le symbole de son absence lors de la remise du prix Nobel de la paix en 2010 et la mer, sa dernière demeure. Les proches du dissident ne décolèrent pas depuis que les autorités chinoises ont imposé à sa famille qu'il soit incinéré, et ses cendres dispersées en mer. Pas de sépulture donc, pas de lieu de recueillement, d’où cette action symbolique menée au septième jour de son décès, un jour important selon la tradition chinoise.
Pékin a par inadvertance transformé les deux tiers de la surface de la terre en une vaste zone de protestation et de mémoire, soulignent des militants interrogés par le Guardian, à l’instar de Hu Jia, un ami du défunt. C’est donc tout naturellement au bord de la mer qu’une cérémonie du souvenir est organisée ce 19 juillet à Hong Kong.
Des événements à la mémoire de Liu Xiaobo auront lieu également à Londres, Boston, Vancouver ou Melbourne. Hasard ou non, à l’approche de ces commémorations, le quotidien libéral Hongkongais Apple Daily souligne que la messagerie WhatsApp a été bloquée, hier pendant 24 heures, en Chine.
■ « Il a donné sa vie pour la démocratie chinoise »
Avec notre correspondante à Pékin, Heike Schmidt
Si les sympathisants de Liu Xiabo dans le monde entier lui ont rendu hommage, en Chine c'est le « black out » total et toute personne qui ose faire un geste publique risque gros.
Ye Jingchun s'y est pourtant risquée. Et faute de sépulture, cette retraitée de 60 ans s'est agenouillée face à la mer jaune, où les cendres de Liu Xiaobo ont été dispersées, lors de funérailles dénoncées par les proches du Prix Nobel de la Paix.
« Je me trouve à Beidaihe, raconte-t-elle. Comme les cendres du docteur Liu ont été dispersées en mer, je ne peux lui faire l'offrande que sur la plage. En fait, je ne connais pas tout de son parcours mais je sais qu'il a gagné le prix Nobel de la paix et que c'est un grand homme. Il a donné sa vie pour la démocratie chinoise [...] J'ai diffusé la photo de moi à genoux sur la plage dans la messagerie Wechat. J'ai posé des fleurs blanches en forme de coeur sur le sable, habillée en noir. Depuis ce matin il pleut ici, quelle coïncidence. L'injustice saute aux yeux. J'essaye aussi de me battre pour la démocratie, mais par rapport au docteur Liu, je me sens comme une minuscule fourmi. »
En début d'année, Ye Jingchun a tenté de se porter candidate à l'élection des 2300 délégués qui participeront cet automne à un important congrès du Parti communiste. Mais elle a vite été écartée. Avant même le vote, le président du comité électoral local avait déjà choisi un candidat plus fidèle à la ligne du parti.