Le gouverneur de Jakarta condamné pour blasphème: la victoire de l'intolérance

Après un procès-fleuve de cinq mois pour blasphème, l’actuel gouverneur chrétien de la capitale indonésienne a été condamné, mardi 9 mai, à deux ans de prison ferme. Malgré son intention de faire appel, le gouverneur a été immédiatement incarcéré. Ce verdict est une nouvelle victoire pour les mouvements islamistes qui ont fait pression pour réclamer son emprisonnement et une mauvaise publicité pour l’Indonésie, le plus grand pays à majorité musulmane au monde, dont l’image traditionnelle de tolérance religieuse en ressort largement écornée.

De notre correspondant à Jakarta,

Au moment du verdict condamnant le gouverneur de Jakarta à deux ans de prison, les islamistes présents à l’extérieur du tribunal et qui sont à l’origine de ce procès pour blasphème, ont manifesté leur joie en scandant des « Allahou Akbar » enthousiastes.

Les partisans de celui que tous surnomment « Ahok », eux, étaient effondrés. Quelques centaines d’entre eux se sont retrouvés le soir même, pour manifester, une bougie à la main, devant la prison où il a été incarcéré à l’issue du procès.

Bien qu’Ahok soit son ancien bras droit, le président indonésien, Joko Widodo, a conservé de son côté une position publique de neutralité, en appelant au respect du verdict et de la suite du processus judiciaire, puisque le gouverneur condamné a immédiatement fait appel.

Moins diplomates, certaines ONG comme Amnesty international ont, elles, crié à l’injustice, d’autant, insiste l’organisation sans détour, que « les propos d’Ahok ont été manipulés pour des raisons politiques ».

Des propos déformés

Le procès lui-même s’est ouvert au départ sous la pression de la rue, après notamment deux manifestations géantes orchestrées par des groupes de musulmans radicaux, fin 2016, au cœur de la capitale.

A l’origine de cette affaire très politique, la campagne pour l’élection du nouveau gouverneur de Jakarta. Au cours de celle-ci, Ahok avait demandé aux électeurs de ne pas écouter ceux qui s’appuyaient sur le Coran pour appeler à voter contre lui. Grossièrement montés en épingle avec une mauvaise foi manifeste, ses propos ont alors servi de base pour l’accuser de blasphème.

La tolérance religieuse menacée ?

L’image de l’Indonésie pâtit fortement de cette décision et son système judiciaire, surtout connu pour la corruption qui le gangrène, n’en sort pas non plus grandi.

Malgré sa traditionnelle image de tolérance religieuse, qui est par ailleurs l’un des principes fondateurs de l’Etat indonésien, la voix des mouvements religieux radicaux, régulièrement instrumentalisés d’ailleurs à des fins politiciennes, se fait entendre de plus en plus fortement ces dernières années.

Et cette influence grandissante des extrémistes laisse planer la menace d’une fuite en avant politique vers des positions de plus en plus radicales, notamment à l’horizon de la future campagne présidentielle indonésienne de 2019.

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