Nouvelle Constitution en Thaïlande: «L’armée s’installe dans la durée»

Le roi de Thaïlande a signé jeudi 6 avril une nouvelle Constitution, la vingtième depuis 1932, qui renforce le contrôle de l'armée sur les affaires de l'Etat, mais ouvre également la voie à des élections. Au pouvoir depuis 2014, les militaires affirment que le nouveau texte permettra de se débarrasser des parlementaires corrompus. Mais pour les adversaires, cette nouvelle loi fondamentale vise à empêcher durablement le retour aux manettes de l'opposition, incarnée par l'ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra et sa sœur, Yingluck.

Au pouvoir depuis 2014, les militaires affirment que la signature du nouveau texte est une étape essentielle vers le retour de la démocratie et la tenue d'élections. Mais leurs adversaires font observer que ces scrutins, dont les dates sont inconnues, ne déboucheront que sur une démocratie au rabais, avec un Sénat totalement nommé et un contrôle accru sur les députés élus.

« En fait, ce que fait l’armée, c’est simplement légitimer sa prise de pouvoir. L’armée maintenant s’installe dans la durée dans le champ politique thaïlandais. Ça, c’est une véritable inquiétude, assure Sophie Boisseau du Rocher, chercheur au centre Asie de l’Institut français des relations internationales (Ifri). Il va y avoir des élections. La junte l’a promis. [Elles] devront se tenir probablement en 2018, mais néanmoins il n’est pas du tout sûr que l’opposition puisse avoir les coudées franches pour présenter un programme et présenter des candidats. »

Selon certains experts, dont Sophie Boisseau du Rocher, la junte veut empêcher durablement le retour au pouvoir de l'opposition, incarnée par l'ex-Premier ministre Thaksin Shinawatra et sa soeur Yingluck, dont le gouvernement avait été balayé par le coup d'Etat de 2014. « Puisque les Shinawatra ont remporté toutes les élections depuis 2006, il s’agit en fait d’empêcher à nouveau ce processus de se répéter. Les Shinawatra sont la bête noire des militaires, explique la chercheuse. Ils narguent d’une certaine façon, avec leurs succès électoraux, les militaires, et précisément, la junte a écrit une Constitution taillée sur mesure pour que de tels scénarios ne se reproduisent pas. Il y a sous prétexte de lutte contre la corruption, de lutte contre l’instabilité, de lutte pour la monarchie et de lutte contre la lèse-majesté, des mécanismes qui se mettent en place et qui aujourd’hui inhibent complètement la démocratie en Thaïlande. »

Outre la nomination des sénateurs, la nouvelle Constitution renforce les pouvoirs de la Cour constitutionnelle et doit faciliter la destitution de dirigeants civils.

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