Avec notre correspondante à Manille, Marianne Dardard
Leïla de Lima est-elle en train de faire les frais de sa croisade contre le président ? C'est elle qui avait lancé une enquête sur les tueries extrajudiciaires de la guerre anti-drogue. Elle a été destituée avec fracas.
Cela s'est passé juste après que Rodrigo Duterte l'a accusée de « coucherie » avec son chauffeur lié aux barons de la drogue. Des barons produisant de la drogue au sein même de la plus grande prison du pays, du temps où Leïla de Lima était ministre de la Justice. Autant dire un scandale d'Etat.
C'est également Leïla de Lima qui avait lancé une enquête, en 2009, sur les liens entre les « escadrons de la mort » de Davao et Rodrigo Duterte, alors maire de la ville. Ces derniers jours, la sénatrice est allée jusqu'à traiter le président de « tueur en série sociopathe ».
Auparavant, Rodrigo Duterte avait intimé à Leïa de Lima d'aller « se pendre ». D'autres hommes politiques avaient menacé de diffuser une vidéo - attribuée à Leïla de Lima - de ses ébats sexuels avec son chauffeur.
Entretemps, l'enquête parlementaire sur les tueries extrajudiciaires de la guerre anti-drogue a été close. Cette enquête pourrait reprendre après les révélations du chef présumé des escadrons de la mort de Davao, qui ces jours-ci accuse directement Rodrigo Duterte de l'avoir payé comme tueur à gages.
Pour sa part, l'ancienne ministre de la Justice est désormais accusée de trafic de drogue. Son arrestation a été très rapide, alors que la justice Philippine est connue pour sa lenteur, fait remarquer François-Xavier Bonnet, chercheur à Manille pour l'Irasec.
« Tout repose sur les témoignages de grands criminels qui sont enfermés dans une prison de haute sécurité, explique François-Xavier Bonnet. Quand Leïla de Lima était ministre de la Justice, elle a organisé plusieurs raids sur la prison et elle a démantelé tout un système de protection de ces personnages impliqués dans la drogue. Chacun de ces personnages-là ont un motif pour témoigner contre elle. L’ensemble des témoignages, ce sont ces criminels. »