C'est chaque année le mouvement de populations le plus important de toute l'humanité. A chaque période du Nouvel An lunaire, les Chinois profitent de leurs quelques jours de congé de la Fête du printemps pour se déplacer par centaines de millions dans le pays. Cette année, près de trois milliards de trajets étaient prévus sur un peu plus d'un mois, selon l'agence officielle Chine Nouvelle !
La tradition veut que les Chinois rejoignent des proches, des membres de leur famille, pour prier et manger des raviolis dans de fastes repas. Par exemple, dans leur campagne d'origine. Certains couples de travailleurs peuplant les grandes villes rejoignent même leur enfant, placé sous la responsabilité des grands-parents. Quelque 61 millions d'enfants seraient dans cette situation.
Pour beaucoup, il s'agit du seul moment de réunion familiale possible dans l'année. Selon les statistiques officielles délivrées par les autorités, quelque 282 millions de Chinois originaires des villages travailleraient actuellement en zone urbaine. Dans la pagaille générale, les trains à grande vitesse sont pleins, et beaucoup doivent parcourir des centaines de kilomètres, voire des milliers, dans de lents tortillards.
Face à une telle affluence, certains se retrouvent tout simplement dans l'impossibilité de voyager. Le résultat, ce sont des foules innombrables dans les gares des grandes villes. Avec la multiplication des smartphones, les Chinois s'adaptent, tentant d'éviter les queues en passant par des applications pour payer leurs billets, comme l'explique notre confrère Alexandre Gandil, auteur pour le site internet Asialyst.
Lorsqu'une Chinoise ou un Chinois s'approche de la trentaine, il n'est pas rare qu'il ou elle subisse une forte pression familiale pour se marier. Histoire que le déshonneur ne s'abatte pas sur les parents. Ainsi, comme le relate notre correspondante à Pékin, Heike Schmidt, certains n'hésitent pas à « louer une petite-amie », via des agences spécialisées, pour donner le change devant la famille le temps des fêtes !
La légende de la course des 13 animaux sur la rivière
Comme chaque année, les Chinois changent surtout de signe. Ils en ont douze au total : rat, buffle, tigre, lapin, dragon, serpent, cheval, chèvre, singe, coq, chien, cochon. Couplés chaque année à un élément : eau, métal, bois, terre, feu. Après l'année du singe de feu, 2017 sera ainsi l'année du coq de feu. Certains y voient les prémices d'une période mouvementée, espérant qu'elle le sera surtout pour l'Occident...
Le nouveau président américain Donald Trump, qui a manifesté son intention de tester les résistances de la Chine sur le plan commercial, n'est jamais très loin de ce genre de réflexions sur l'avenir proche. Cette année, des poulets géants en plastique ont même été érigés à son effigie pour l'occasion. « Le coq aime se battre, il adore les joutes verbales, il est combatif », confie à l'Agence France-Presse une divinatrice de Hong Kong.
Les signes chinois se succèdent dans un ordre bien précis, explique aussi l'AFP. Le cycle de 12 ans commence avec l'année du rat et se termine avec l'année du cochon. Le coq est 10e dans cette liste, juste après le singe. Une légende populaire raconte qu'une course épique, organisée par l'empereur Jade, un dieu mythique, et consistant pour chaque animal à franchir une rivière en révélant sa vraie nature, a déterminé cet ordre immuable.
Amis, le chat et le rat s'étaient arrangés avec le buffle pour traverser sur son dos. Mais le rat poussa le chat dans la rivière, et sauta une fois le rivage à sa portée pour doubler le buffle, deuxième devant le tigre. Le lapin usa de sa capacité à bondir de pierre en pierre pour arriver 4e, tandis que le dragon, altruiste, l'aidait quitte à finir 5e. Et ainsi de suite, jusqu'à ce que chaque animal arrive à sa manière, à l'exception du chat, absent du calendrier, et qui en conserva une solide rancune envers le rat.
Cette année, les autorités de Pékin, soucieuses de ne pas aggraver une situation environnementale catastrophique, ont renoncé aux feux d'artifice et pétards habituels, même si cela repousse les mauvais esprits. Certains Chinois pourront peut-être se rattraper dans d'autres villes et à l'étranger, puisque partout dans le monde, la diaspora célèbre comme il se doit le Nouvel An, pour celles et ceux qui ne sont pas amenés, eux aussi, à rejoindre des proches ici ou là, de New York à Pékin.