Avec notre correspondant à Rangoon, Rémy Favre
Jusqu'ici, Aung San Suu Kyi évitait le sujet mais l'aborde désormais ouvertement. La conseillère d'Etat s'est exprimée longuement, ce 5 septembre, sur la question des Rohingyas en Birmanie. Cette minorité musulmane, apatride, est très persécutée dans la région de l'Arakan, dans l'ouest du pays.
Aung San Suu Kyi a nommé Kofi Annan à la tête d'une commission chargée de proposer des solutions au conflit arakanais. L'ancien secrétaire général des Nations unies est arrivé ce week-end en Birmanie. A l'occasion de la première session de cette commission ce matin, la conseillère d'Etat a tenu un discours ouvert qui tranche avec la retenue qui la caractérisait jusqu'ici sur ce dossier épineux.
Calcul électoral
Elle a notamment évoqué les droits de l’homme dans l’Arakan et les valeurs démocratiques pendant une dizaine de minutes. La conseillère d’Etat Aung San Suu Kyi y pare du besoin de « liberté pour tous les citoyens », en allusion aux 100 000 Rohingyas, réfugiés depuis quatre ans dans des camps de déplacés où ils vivent quasiment prisonniers.
Aung San Suu Kyi n’a pas évoqué directement leur sort. Elle n’a pas prononcé le mot « rohingya ». Mais le contenu de son discours tranche avec son silence des derniers mois sur ce dossier, motivé par un calcul électoral. Elle ne voulait pas se mettre à dos la majorité bouddhiste du pays lorsqu’elle se présentait devant les électeurs l’an dernier et qu’elle formait ensuite un nouveau gouvernement.
Désormais au pouvoir, elle se sent plus libre de prendre des initiatives guidées par les principes du droit international, quitte à déplaire aux extrémistes bouddhistes. Aung San Suu Kyi appelle désormais la commission présidée par Kofi Annan à proposer des solutions pour libérer l’Arakan « de la peur et de la haine » et « restaurer la dignité humaine ».