Le bâtonnet de glace est à l’eau acidulé au parfum de pamplemousse. Cela s’appelle « Gyeondyo-ba », ce qui pourrait se traduire par « tiens le coup ». La glace contient du jus de raisin de Chine supposé prévenir la gueule de bois.
Son goût fruité est très éloigné de celui des herbes médicinales qui entrent traditionnellement dans la composition des produits anti-cuite que l’on trouve partout en Corée : boissons apaisantes, pilules, voire produits cosmétiques pour rafraîchir la peau après une soirée trop arrosée. L’une de ces boissons appelées « Condition » est très populaire et elle s’exporte désormais en Chine et au Japon.
Selon l’agence Reuters, le marché coréen de la lutte contre le mal aux cheveux dépasse 110 millions d’euros par an. Un chiffre qui n’inclut pas les innombrables restaurants de délicieuses soupes anti-cuite ou « haejangguk », omniprésents en Corée.
Pourquoi les Sud-Coréens boivent-ils autant ?
L’alcool serait pour beaucoup un moyen pour décompresser et se détendre. A l’origine de ce besoin de souffler, la société sud-coréenne ultra-compétitive, la pression sociale intense, les journées de travail interminables ou encore la hiérarchie dans le monde professionnel très rigide et asphyxiante.
Dans un pays aux interactions entre individus très codifiées, la boisson est aussi vue comme un indispensable lubrifiant social. Celui-ci permet, par exemple, d’avoir des conversations franches entre subordonnés et supérieurs lors des très fréquentes soirées entre collègues. C’est aussi souvent autour de bouteilles que les hommes d’affaires concluent des marchés.
L’alcool le plus populaire en Corée est le « soju », un tord-boyau à base d’éthanol et d’arômes artificiels. Il est souvent bu mélangé à la bière, un cocktail dévastateur surnommé « La bombe ». Une bouteille de cet alcool coûte à peine plus d’un euro.
Résultat : les Coréens boivent plus de 12 litres d’alcool par an, c’est le chiffre le plus élevé en Asie. Ils vident 14 verres de spiritueux par semaine, soit deux fois plus que les Russes !
Une culture de la boisson aux conséquences sociales désastreuses
La nuit dans les rues de Séoul, il n’est pas rare de croiser des « employés de bureau » effondrés sur le trottoir en train de dormir. Cette consommation d’alcool excessive est la cause de nombreuses violences, notamment conjugales.
Cet alcoolisme est aussi responsable d’une durée de vie réduite (de 5 ans, selon l’OMS), de maladies du foie, de dépenses de santé élevées ou encore de pertes de productivité. Il aurait un coût total évalué à sept milliards d’euros par an, selon un institut de recherche gouvernemental.
Les autorités font pourtant peu d’effort pour lutter contre le problème. Il y a peu de campagnes de sensibilisation de l’opinion sur les dangers liés à l’alcool, peu de régulations. Les célébrités continuent de multiplier les publicités pour les « sojus », leur donnant une image dynamique et positive. Et « gros buveur » est avant tout un compliment.
Le problème reste donc entier et les jeunes générations boivent tout autant que les précédentes. Ce sont d’ailleurs à celles-ci - et à ses lendemains difficiles - qu’est destinée cette nouvelle glace anti-gueule de bois.