Avec notre correspondante à Manille, Marianne Dardard
Six heures devant l'église Iglesia ni Cristo de Bel-Air Makati, c'est l'heure du premier office. Les fidèles endimanchés s'engouffrent à l'intérieur du fier édifice bleu et blanc. Il y a interdiction d'enregistrer. Dehors, cependant, les langues finissent pourtant par se délier. Ex-catholique, Violeta Hibay s'est convertie voilà plusieurs années à Iglesia ni Cristo : « En tant que membre, je suis les consignes de vote données par Iglesia ni Cristo ».
Fondée par Felix Manalo, Iglesia ni Cristo est considérée comme une secte d'inspiration chrétienne. Dans un pays où la religion est omniprésente, Iglesia ni Cristo a pignon sur rue et fait aujourd'hui activement campagne pour le candidat Duterte. Et elle n’est pas la seule.
Dans un style jugé « bling-bling » samedi, c'est Apollo Quiboloy, le chef du « Royaume de Jésus-Christ » qui a longuement harangué la foule durant le meeting final de Duterte : « Quelle que soit la somme que je puisse te donner : un milliard de pesos, deux, trois, cinq, ça m'est égal ! ». Critiqué pour avoir prêté son jet privé à Rodrigo Duterte durant la campagne, Apollo Quiboloy est à la tête de chaînes télévisées émettant à l'étranger. Il se présente comme un prophète oracle, mais s'est déjà trompé par le passé.
Duterte, le Donald Trump local
La candidat Rodrigo Duterte est un habitué des déclarations fracassantes ; il promet ainsi de se débarrasser de la criminalité en six mois en ordonnant aux forces de sécurité d'abattre tous les criminels. Il prévoit aussi de fermer le Parlement si les députés ne sont pas de son avis, de réécrire la Constitution, tout en émaillant ses déclarations d'allusions sexuelles.
Les Philippines prennent-elles vraiment au sérieux toutes ces déclarations ? Pour David Camroux, chercheur au Centre de recherches internationales de Sciences-Po, Rodrigo Duterte, « c’est un peu le style de Donald Trump. Il dit des choses assez outrageuses, par exemple sur le viol d’une religieuse dans sa ville, mais ça plait à une partie de la population philippine qui voit la politique comme du grand cinéma. Ce n’est pas pour rien, qu’à part les grandes familles des dynasties politiques, ceux qui arrivent au pouvoir sont souvent des acteurs de cinéma. Vous avez aussi l’exemple du champion du monde de boxe Manny Pacquiao qui est sénateur. C’est ça la nouvelle vague ; des hommes et des femmes politiques qui se construisent par les médias. »