Avec notre correspondante à Phnom Penh, Anne-Laure Porée
Au banc des accusés, Khieu Samphan, l'ancien chef de l'Etat, et Nuon Chea, ex-bras droit de Pol Pot. Déjà condamnés à perpétuité pour crimes contre l'humanité, ils attendent le résultat de leur appel et continuent à garder le silence dans cette nouvelle phase de leur procès. Pour les 250 Chams venus assister à l'audience du jour sur le génocide, il est évident qu'ils ont été persécutés par les khmers rouges. Ils se souviennent des Corans confisqués, brûlés, de l'obligation de manger du porc, de l'interdiction de parler leur langue. So Slama avait 23 ans à l'époque : « Nous, musulmans, avons été oppressés. On nous a interdit de prier, de respecter nos règles religieuses, de porter le voile... Ils nous ont coupé les cheveux. Ils nous utilisaient comme ils voulaient. Si on protestait, on nous exécutait. »
Les avocats de la défense bataillent pour démontrer qu'il n'y avait pas de politique ciblant les Chams, pas de plan concerté au plus haut niveau de l'Etat. Said Sary, qui évoque en sanglotant les 17 personnes tuées dans sa famille, ne considère pas les choses sous cet angle. Selon lui, le crime subi par la minorité Cham est de même nature que le crime commis contre l'ensemble du peuple cambodgien. « Dans un régime totalitaire, raconte-t-il, c'est le peuple en entier qui souffre, pas les dirigeants. Ils font du mal à leur propre pays. Je suis Cambodgien même si ma religion est l'islam. Certains sont bouddhistes, d'autres chrétiens, d'autres encore musulmans, on ne fait pas de différence. Si on parle d'une nation, nous vivons au Cambodge, nous partageons l'identité cambodgienne. »