Avec notre envoyée spéciale à Tianjin, Heike Schmidt
Ils sont une bonne centaine à braver l’orage, juste munis de parapluies, de capes et de masques antipollution pour se protéger contre la pluie qui tombe à grosses gouttes. Une pluie vraisemblablement chargée de particules toxiques et qui picote en effet sur la peau.
Mais cette menace d'une contamination n’empêche pas la petite foule de rescapés de crier sa colère. Des propriétaires (certains ont le bras bandé ou un pansement sur le visage) montrent les photos de leurs appartements soufflés par les déflagrations puissantes, avec des vitres qui ont volé en éclat, des meubles tombés, et des pans de béton par terre. « Rachetez nos appartements », crient en chœur ces sinistrés qui ont tout laissé derrière eux. Rien ne fait reculer Zhang, employé à Tianjin et propriétaire d’un appartement devenu inhabitable : « On a entendu dire que le gouvernement payera des compensations. Mais nous n’avons rien reçu, et personne nous donne la moindre information ».
Equipes spéciales
Des équipes spéciales ont commencé à décontaminer les appartements dans la zone encore interdite au public, ce qui ne rassure guère les sinistrés : « Je suis inquiet, poursuit Zhang. Comment traiteront-ils ces produits chimiques toxiques ? Est-ce que les conséquences sur l’environnement seront de longue durée? Qui peut nous garantir que nous pouvons vivre dans nos appartements sans danger ? ».
La peur de retourner dans son appartement hante aussi Mme Wang qui a le visage tuméfié et la peau zébrée de cicatrices : « J’ai eu huit blessures sur tout mon corps, sur ma bouche, les oreilles. Cette nuit là, vers 23 h, j’ai entendu la première explosion. J’ai cru à un tremblement de terre. Quand j’ai repris conscience, le sol était jonché de bribes de verre et mon corps ensanglanté. »
3 000 tonnes de produits chimiques
« On nous dit que la qualité de l'air est bonne, mais comment y croire ? », dit de son côté une femme qui refuse de retourner chez elle. Beaucoup de ces manifestants vivaient à seulement 600 m de l’entrepôt qui stockait 3 000 tonnes de produits chimiques dangereux ; pourtant, selon la loi en vigueur, une distance d’au moins 1 km aurait dû être respectée.
L’agence officielle Chine nouvelle révèle que les propriétaires de l’entrepôt incriminé, Ruihai International Logistics, ne possédaient pas de licence pour manier de tels produits chimiques. Dix responsables ont été arrêtés.