avec notre correspondant à New Delhi, Sébastien Farcis
La raison invoquée pour bannir les sites pornographiques ? L'ordre confidentiel transmis aux fournisseurs d'accès internet vendredi soir justifie cette interdiction au nom de la moralité et de la décence, qui sont deux restrictions à la liberté d'expression autorisées par la Constitution indienne. Le document a depuis fuité dans la presse et le ministère des Télécommunications a précisé qu'il cherchait à interdire la pornographie pédophile.
Cependant, il est peu probable que les 857 sites concernés contiennent un tel contenu d'autant qu'on y retrouve nombre de plateformes américaines ou européennes célèbres, provenant de pays où la pédophilie en ligne est fortement réprimée. Certains sites comme celui du quotidien régional français Le Dauphiné libéré sont d'ailleurs compris dans cette liste, alors qu'ils sont loin de diffuser du matériel pornographique.
Interdit de faire, mais pas de regarder
Le gouvernement a en fait repris une liste déposée par un citoyen qui avait demandé le mois dernier à la Cour suprême d'interdire tous ces sites. Une demande qui n'avait alors pas abouti, les juges de la plus haute cour du pays considérant qu'un blocage de ces sites serait opposé à la liberté de chaque Indien de regarder ce qui lui plaît en privé. La loi indienne interdit en effet la réalisation et la vente de matériel pornographique, mais pas la simple visualisation.
Et la consultation de sites pornographiques est en pleine explosion dans le pays : si à peine un Indien sur dix a accès à Internet, les Indiens sont déjà les quatrièmes plus grands consommateurs de pornographie en ligne. A cela, il faut rajouter les nombreuses autres manières de la regarder : il est ainsi très facile et peu cher d'acheter au marché noir des vidéos ou de charger son smartphone de clips X. L'explosion des téléphones bon marché et la propagation de l'Internet mobile sont d'ailleurs les principaux facteurs d'expansion de la pornographie en Inde.
Vers un rétropédalage du gouvernement ?
A l'heure qu'il est, beaucoup de sites sont encore accessibles, car les fournisseurs d'accès n'ont pas encore pu tous les bloquer. Et cela ne sera d'ailleurs pas forcément nécessaire. Mardi soir, face au tollé, le ministre a envoyé aux fournisseurs une nouvelle lettre leur demandant cette fois de censurer uniquement les sites représentants de la pornographie infantile.
Il n'a pas transmis de nouvelle liste : les opérateurs se trouvent maintenant dans l'embarras, car ils sont bien incapables d'identifier quels sites sont concernés. Ce nouvel ordre sera donc très difficile à appliquer.