Reconstruction du Népal: un défi à l'échelle de l'Himalaya

Le Népal organise jeudi 25 juin une conférence internationale des donateurs, tout juste deux mois après l'un des plus violents séismes qu'a connus le pays. 41 pays, dont les 7 pays de l'Association sud-asiatique pour la coopération régionale et 22 institutions internationales, parmi lesquelles la Commission européenne, les Nations unies et la Banque mondiale, y sont conviés. Les défis sont immenses.

C'était il y a deux mois, jour pour jour. Le Népal était frappé par l'une des pires catastrophes naturelles de son histoire. Deux séismes dévastateurs ont coûté la vie à plus de 8 700 personnes et laissé une infrastructure en ruine. Environ 2 millions de personnes ont tout perdu.

Si la vie reprend lentement son cours, des dizaines de milliers de personnes vivent toujours dans des abris de fortune et la situation risque d'empirer avec l'arrivée de la mousson. Les défis sont colossaux. Selon Katmandou, le pays a besoin d'une « aide internationale massive », car la tragédie aurait déjà coûté environ 10 milliards de dollars, soit la moitié du PIB annuel.

Le Népal espère donc recueillir au minimum entre 6 et 7 milliards de dollars d'aide pour la reconstruction des maisons, de l'infrastructure, des sites culturels et des écoles. L'aide internationale débloquée jusqu'ici atteint péniblement 150 millions de dollars. Trop peu pour reconstruire et réhabiliter le pays, dont les principaux secteurs d'activités, l'agriculture et le tourisme ont été ravagés. Les autorités népalaises estiment qu'il faudra au minimum cinq ans pour reconstruire le pays.

Janajatis et Dalits, les intouchables du Népal

Le nombre de Népalais directement affectés par la catastrophe s’élève à 8 millions de personnes. Jelena Tomic l'envoyée spéciale de RFI s’est rendue dans le village Ramche, dans le district Dhading, où plusieurs ONG viennent en aide aux communautés Janajatis et Dalits, les intouchables du Népal. Le séisme a endommagé ou rasé 93% des habitations de ces agriculteurs qui vivent dans un village perché dans les montagnes, à une cinquantaine de kilomètres de la capitale. Plusieurs ONG distribuent notamment des articles d’hygiène. « Il y a quelques semaines, on m’a donné du riz, des couvertures et de la tôle ondulée, car ma maison a été entièrement détruite. Aujourd’hui on m’a distribué un seau, une bombonne d’eau et des produits d’hygiène. Je suis vraiment contente qu’on vienne nous aider, parce qu’avec notre travail agricole on ne peut se nourrir que 4 mois dans l’année. Ces distributions sont importantes car sans elle, nous n’aurions rien à manger », explique dans la longue file d’attente, Mayatama, 54 ans. L’aide de la protection civile doit se poursuivre encore longtemps. Peut être encore une année, avant que les 181 familles du village Ramche ne reprennent une vie à peu près normale. L’arrivée de la mousson risque en tout cas de compliquer le processus de résilience.

Un travail titanesque pour les ONG

Echo, le bailleur de fond de l’UE pour l’aide humanitaire finance de nombreuses ONG et agences humanitaires de l’ONU déployée dans le pays. Et le travail sur place est titanesque : «On est toujours dans une phase d’urgence. Pour l’instant, on est toujours face à des centaines de milliers, des millions de gens qui n’ont plus de maisons. Il y a quand même 500 000 maisons détruites dans ce pays, complètement détruites et 270 000 partiellement détruites. Donc ces gens pour l’instant sont sous des bâches, sous des tôles. Et l’urgence, ça reste pour l’instant de leur ramener justement des tôles et des objets de la vie quotidienne, des seaux, des brosses à dents, des moustiquaires pour qu’ils puissent passer la mousson dans des conditions à peu près dignes avant une phase de reconstruction qui sera beaucoup plus longue évidemment», explique Pierre Prakash, responsable de la communication au département de la Commission européenne en charge de l’Asie-Pacifique. 

La conférence concerne plus l’aspect reconstruction, long terme, réhabilitation-construction, alors qu'Echo se concentre sur la phase «urgences», précise t-il. «ll va y avoir des tas de bailleurs de fonds à vocation plus 'développement' qui vont être présents à cette conférence. L’idée, c’est que quand Echo va sortir de la phase humanitaire qui va quand même durer peut-être un an -car c’est de ce type de délai dont on parle-, il va falloir qu’il y ait cette phase de re-développement du pays qui est quand même un des pays les moins développés de la région. L'objectif est de revenir au niveau où ils étaient avant le séisme et évidemment ensuite développer davantage».

Des tonnes de frêt bloqués aux frontières

Beaucoup d'organisations humanitaires accusent le gouvernement népalais, à mots couverts, d'entraver leur travail, raconte le correspondant de RFI dans la région, Sébastien Farcis. Le Népal taxe en effet à 30% toute importation de biens d'équipement, de certains médicaments ou de nourriture, même si cela est dans un but humanitaire. Cette taxe a été rétablie il y a un mois après une exemption, estimant que la période de crise était terminée et que beaucoup de produits pouvaient être achetés localement ou pris en charge par les Népalais eux mêmes. Les agences publiques ou les ONG sont d'un autre avis. Il n'y aurait que 4 usines sur place capables de produire de la tôle ondulée, ce qui ne peut répondre aux énormes besoins actuels. Il y aurait également un manque de coordination entre les différents ministères, ce qui complique encore plus les démarches. Des tonnes de frêt sont donc bloqués aux frontières. Beaucoup espèrent que la pression des donateurs lors de cette conférence permettra de débloquer cette situation.

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