«The Assassin», Hou Hsiao-Hsien dessine un trait parfait

C’est un coup de maître intitulé The Assassin (« L’Assassin ») qui est présenté ce jeudi 21 mai au Festival de Cannes. Une histoire dans la Chine du 9e siècle, autour d’une femme, maître en arts martiaux. La puissance et la finesse du récit, raconté avec une subtilité virtuose maîtrisée à la perfection, nous procure le fort sentiment que le Chinois Hou Hsiao-Hsien, un habitué de la compétition à Cannes, ne partira pas les mains vides le jour du palmarès.

envoyé spécial,

C'est rarissime, le sentiment d'avoir vu et vécu un film parfait. Où aucune scène ne semble de trop, où aucun geste superflu ne gêne l’illusion, où le terrain investit l’acteur et où un oiseau, une forêt de bouleaux ou des nuages-peintres n'ont pas besoin d’invitation pour se mêler aux actions. Des actions qui se déroulent la plupart du temps à l’intérieur des êtres humains, enrichies ici et là par de spectaculaires combats d’arts martiaux, signes externes d’une vivacité interne en voie de se frayer un nouveau chemin.

Au service de l'ordre des Assassins

Au 7e siècle la dynastie Tang entre en déclin. Deux siècles plus tard, la loyauté des gouverneurs envers la cour est fragilisée. La province de Weibo vient de prendre ses distances vis-à-vis l’empereur. Ainsi commence une histoire très compliquée pleine de tyrans, de provinces et de gouverneurs. Grâce au personnage de Nie Yinniang (interprétée par Shu Qui, la star de Millenium Mambo), le fil de l’histoire devient limpide et lisible.

On comprend vite sa fonction au service de l’ordre des Assassins : être une justicière qui traque et élimine les gouverneurs corrompus. A l’âge de dix ans, elle a été confiée à une nonne qui l’avait initiée aux secrets d’une technique d’arts martiaux infaillible. Treize ans plus tard, elle est renvoyée à la maison avec une mission : tuer Tian Ji’an (campé par Chang Chen, une des plus grandes stars du cinéma chinois aujourd’hui), le gouverneur dissident de la province militaire de Weibo. Grâce à un bracelet en jade, elle découvre qu’il s’agit de son cousin dont les parents n’avaient pas tenu leur promesse de le marier plus tard à Nie Yinniang…

L'histoire de l'oiseau bleu

Des images d’une force poétique incroyable nous accompagnent pendant cette traversée rythmée par les tambours et où trahison et vengeance laissent vite la place aux questions sur le pouvoir et l’amour. Des couleurs d’or et de bronze se posent comme des papillons sur l’eau et l’horizon. Un cerisier en floraison se réjouit d’un défilé de cavalières, avec des habits bariolés dignes d’un tableau de Miro. Un jeu de doigts pousse et pince les cordes d’une harpe chinoise, maniée par l’esprit comme le sabre au combat. Et aussi l'histoire de l’oiseau bleu qui n’avait pas chanté depuis trois ans : mis face à un miroir, il chante sa souffrance et meurt.

La lenteur est de rigueur dans ces décors et costumes somptueux où chaque plan se transforme en peinture chinoise classique à dérouler, témoin précieux d’une situation... Mais qu’on ne se trompe pas. Le raffinement extrême et la beauté exquise cachent seulement la rage et la rapidité accumulées pour les combats à venir.

Un récit silencieux

Vêtue en noir comme un ninja et légère comme un phénix descendu sur terre, Nie Yinniang, affrontera alors ses plus grands défis dans des longs plans-séquence qui « ouvrent » des montagnes et font bouger sa conscience. Tout au long de l’histoire, le récit reste silencieux et presque invisible comme le lit de rivière qui permet à transporter la vie et la mort, les joies et les peines, sans en faire un drame.

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