Après le passage du cyclone Pam, l’heure est au secours et à l’évaluation des dégâts. Le décompte des victimes est délicat : pour le moment on dénombre 44 morts, selon l’ONU. Le Bureau national des catastrophes a, lui, confirmé que six habitants avaient été tués.
Avec la rupture quasi générale des communications dans l’archipel, il est difficile d’accéder à des informations fiables, 48 heures après le passage de ce cyclone de catégorie 5, « l'un des pires de l'histoire du Pacifique », selon l'Unicef. Ce même isolement rend difficile l'acheminement des secours, mais l'aide s'organise. Les premières cargaisons d'aide humanitaire venues de Nouvelle Zélande, d'Australie et de Nouvelle Calédonie sont arrivées sur place. Une vingtaine de centres d'urgence sont en place dans la capitale Port-Vila pour héberger les habitants qui ont perdu leur maison.
Un avion militaire français chargé de matériel de secours a décollé dimanche en début de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, avec à son bord un officier du génie militaire, un membre de la sécurité civile de Nouvelle-Calédonie et un membre de la Croix-Rouge. Il transporte, en outre, un groupe électrogène, des rations de vivres, un transmetteur, selon les déclarations faites à la presse par Paul-Marie Claudon, directeur de cabinet du haut commissaire de la République française dans ce territoire d'outre-mer.
Coordination
« C'est une réponse articulée avec nos alliés qui est en train de s'organiser. La France va se charger de l'évaluation sur place, et l'Australie et la Nouvelle-Zélande, qui envoient en tout quatre avions sur zone, vont répondre à des besoins prioritaires de la population », a expliqué Paul-Marie Claudon. Paris, Camberra et Wellington sont liés au travers des accords Franz pour coordonner leurs moyens d'assistance en cas de catastrophe naturelle dans cette zone du Pacifique.
Le vol de ce dimanche ne serait que le premier d'une longue série, des interventions qui seront vraisemblablement appuyées la semaine prochaine par la frégate française Vendémiaire, basée à Nouméa. En outre, la Communauté du Pacifique, la principale organisation de développement de la région, va concourir à cette aide, en finançant la prise d'images satellite de l'archipel.
Situation exceptionnelle
Pour Franck Roux, professeur à l'université de Toulouse et spécialiste des cyclones, nous sommes là face à une situation exceptionnelle. « Pam est dû à plusieurs phénomènes : les conditions météorologiques et les conditions océaniques dans cette région du Tropique, explique le chercheur. C’est toujours très difficile de faire une prévision climatique, mais il y a quand même une situation assez exceptionnelle en ce moment puisqu’aujourd’hui, il y a quatre cyclones sur l’ouest du Pacifique, entre l’Australie, la Nouvelle Guinée, le Vanuatu, les Fidji, etc. »
Reste que pour l'expert, on ne peut lier directement ce phénomène au changement climatique. « C’est l’évolution saisonnière des conditions sur l’océan tropical. On peut avoir des périodes actives pendant deux, trois ans et puis des périodes moins actives. Cela dit, ceux qui étudient le climat du futur, des années 2050 à 2100, prévoient une réduction du nombre total de cyclones, mais des cyclones pouvant être encore plus intenses. »
Une catastrophe majeure
Alors que l’aide et les secours commencent à peine à s’organiser, les premiers témoignages qui parviennent de l’archipel donnent une idée de l’ampleur du désastre.
La capitale Port-Vila, jonchée de débris, offre un spectacle de désolation, comme si une énorme bombe avait explosé au milieu de la ville. D'après les autorités, la plupart des bâtiments ont été détruits et des milliers d'habitants se sont retrouvés sans abri.
Interrogée par RFI, Alice Clements, porte-parole de l'Unicef au Vanuatu raconte que pendant le passage du cyclone, les habitants ont vécu « quinze ou trente minutes de terreur absolue ». 24 heures après « partout il n'y a que destruction et dévastation. Un pont détruit nous a empêchés d'aller plus loin. Ce n'était pas un petit pont en bois, mais un pont en acier, béton et asphalte qui a été emporté par le cyclone. » Elle a pu parler à une femme enceinte de 9 mois, dont le village a été entièrement détruit. Elle n'a pas de nourriture, pas d'eau et pas d'électricité, a-t-elle dit. « Les gens ramassent les fruits tombés à terre, puis ils passeront aux racines et après ça, ils n'auront plus rien », ajoute la porte-parole de l'Unicef. Un autre village a subi la crue de la rivière voisine. Elle a vu le village enseveli sous plus d'un mètre d'eau et de boue. « L'eau s'est retirée, mais la boue est restée et a détruit toutes les affaires des habitants. Les maisons ont été lourdement endommagées par le vent - des toits se sont envolés, les murs ont été arrachés et les vitres brisées - et la crue a ensuite détruit tout ce qui se trouvait à l'intérieur des habitations ».
« Cela sera vraisemblablement l'une des pires catastrophes jamais vues dans le Pacifique, l'ampleur des besoins humanitaires sera énorme », a indiqué à l’Agence France-Presse le directeur d'Oxfam pour le Vanuatu, Colin Collet van Rooyen. « Des communautés entières ont été emportées ».
Interrogé par la BBC, Baldwin Lonsdale, le président du Vanuatu, a pour sa part évoqué, la voix brisée par l'émotion, un « monstre qui a dévasté notre pays ». « La plupart des bâtiments ont été détruits, de nombreuses habitations ont été détruites, des écoles, des cliniques ont été détruites », a-t-il ajouté depuis le Japon, où il participait, ironie du sort, à la conférence de l'ONU sur la réduction des risques de catastrophes naturelles.
Le directeur pour le Vanuatu de l'ONG Save the Children, Tom Skirrow, a pour sa part décrit le spectacle « d'une dévastation totale ». « Les maisons sont détruites, les arbres sont tombés, les routes sont bloquées et les gens errent dans les rues, cherchant de l'aide ». « Nous voyons des maisons et des villages entiers qui ont été entièrement emportés », ajoute Chloe Morrison, porte-parole de l'ONG World Vision. « Ces maisons étaient des constructions plutôt fragiles qui n'avaient aucune chance de résister devant un cyclone de catégorie 5 ».
Peu de communication avec les îlots
Aurelia Balpe est coordinatrice du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) basée à Suva, la capitale des îles Fidji. Elle témoigne de la difficulté d'organiser l'aide humanitaire dans l'archipel du Vanuatu, composé de 85 îlots. La communication avec les îles les plus éloignées de la capitale Port-Vila est toujours coupée ce dimanche. Elle a parlé avec un témoin qui a réussi à atterrir à Tanna dans une province du sud. C'est une île très peuplée. Il rapporte que la situation est très similaire à celle de la capitale. « Les gens disent qu’ils n’ont pas accès à l’eau. En ce moment nous pensons à une assistance pour à peu près 100 000 personnes, c’est énorme pour un pays de 260 000 habitants », explique la coordinatrice du CICR, ajoutant que l’aide humanitaire internationale est complémentaire avec ce que fait le gouvernement. Ce dernier coordonne toutes les réunions qui se passent en ce moment à Port-Vila. Dans chaque province il y a des « comités de désastre ». « Nous avons peu de communication avec chaque province, mais nous savons que ces comités avec les églises et les autres associations sont sûrement en train de répondre aux besoins. Nous sommes sûrs qu’il y a déjà de l’aide qui se déroule dans les provinces et dans les îles. »
Isabelle Austin est coordinatrice de l'Unicef pour la région Pacifique, elle précise qu’il n’y a toujours pas de bilan, même provisoire, en dehors de la capitale. « Mais vu la destruction que nous constatons à Port-Vila, nous craignons fort que la situation soit extrêmement sérieuse dans les autres îles », dit-t-elle.
Le Vanuatu n’est cependant pas le seul archipel ravagé par le passage de Pam. Près de la moitié des 11 000 habitants de l'archipel polynésien des Tuvalu, situé à environ 1 550 kilomètres au nord-est de Vanuatu, ont également été touchés par le cyclone, selon son Premier Ministre, Enele Sopoaga. Les îles Solomon et Kiribati ont également été secouées, mais à un degré moindre. Pam est passé samedi à l'est de l'archipel français de Nouvelle-Calédonie, à 500 km à l'ouest du Vanuatu, sans toutefois y faire ni victimes ni dégâts majeurs.