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Scène de levée du drapeau à Hong Kong, ce mercredi matin à 8h (heure locale). Le chef de l'exécutif local devait y assister, en présence de représentants continentaux. Mais il y a eu moins de monde que prévu à la cérémonie, explique notre correspondante à Hong Kong, Florence de Changy. Quelques heures auparavant, les étudiants, à la pointe du mouvement de contestation, s'étaient massés sur place, dans l'espoir d'accueillir - façon de parler - Leung Chun-ying, lorsqu'il ont appris qu’il avait changé son itinéraire pour les éviter une fois encore. Certains ont donc préféré rentrer se reposer.
En revanche, tous les étudiants retenus à l’extérieur de l’enceinte pendant la cérémonie ont hué lors du passage, d’abord, de deux avions de l’Armée populaire de libération, puis de deux hélicoptères, dont le premier trainait un immense drapeau chinois et le suivant un petit drapeau hongkongais, un symbole qui n'a pas beaucoup plu. Et pendant que le chef de l’exécutif, bien présent, faisait son discours à l'intérieur et levait une flute de champagne à la réalisation de ce qu'il a appelé le « rêve chinois », un groupe d’étudiants sur place a levé les bras en signe de désapprobation.
Arrestations et interrogatoires en pagaille
Pékin commence à montrer des signes de nervosité, apprend-on ce mercredi ; une soixantaine de personnes ont été convoquées pour être interrogées en Chine ces derniers jours, et 20 arrestations au moins ont eu lieu, à croire Amnesty International. Une militante basée à Shanghaï, qui avait mis en ligne des photos d’elle la tête rasée en soutien aux manifestants, a notamment été mise au secret. Une vingtaine de militants, qui s’étaient rassemblés dans un parc dans le sud du pays, ont également été interpellés.
D’autres ont été arrêtés dans le sud-ouest, le centre, mais aussi le sud de la Chine, avec ce jeune juriste qui, le mois dernier, avait attaqué en justice un opérateur télécom, lui reprochant le blocage du moteur de recherche Google dans le pays. Pékin contrôle d'ailleurs encore plus étroitement que d’habitude Internet ; toute information sur Hong Kong est bloquée en Chine continentale. Selon un expert, jamais autant de sites n’ont été bloqués en si peu de temps. Quant aux médias officiels chinois, ils ont pour consigne de dépeindre les manifestants comme des « extrémistes » plus ou moins violents, qui menaceraient les affaires hongkongaises.
Un nouveau quartier occupé par le mouvement
Pour certains, la nuit dernière aura été la cinquième passée sur le dur, et l'épuisement commençait à se faire sentir dans leur façon de chanter ce mercredi matin, explique notre correspondante à Hong Kong. Mais leur détermination n’est en rien entamée, semble-t-il. Au contraire, la frustration s’accroit. Danns la nuit, un nouveau quartier a même été occupé, et cela n'a rien d'anodin, car Tsim Sha Tsui est un endroit qui abrite de nombreuses boutiques de luxe où les touristes chinois aiment faire leurs courses. Le mouvement continue donc. Reste à voir comment il peut évoluer.
Mardi, le secrétaire général de la fédération étudiante Alex Chow a dit qu’il envisageait plusieurs options avec ses pairs. L’une d'entre elles : étendre le mouvement géographiquement - ce qui est déjà en train de se réaliser. Une autre option serait d’occuper non plus des espaces publics comme les routes, mais des espaces du gouvernement. Il a aussi parlé d’étendre la grève illimitée des étudiants à d’autres secteurs, notamment les ouvriers, pour faire pression sur l'exécutif. Et d'assurer que ce n’était clairement plus Leung Chun-ying qui gérait cette crise selon lui, mais de toute évidence Pékin.
En ligne de mire : le scrutin de 2017
Les manifestations pro-démocratie à Hong Kong, entamées il y a plusieurs mois par des lycéens et étudiants rejoints ensuite par le mouvement « Occupy Central with Love and Peace », ont pris un nouveau tournant le week-end dernier, lorsque la police a fait usage de la force contre les manifestants pacifiques. La brutalité des affrontements a entrainé une mobilisation sans précédent de la population.
Plusieurs dizaines de milliers de personnes se mobilisent maintenant chaque jour pour obtenir la mise en place d’un véritable suffrage universel pour l’élection du successeur de Leung Chun-ying, Pékin ayant prévu de présélectionner les candidats qui pourront concourir à l'élection prévue en 2017.
Le chef de la diplomatie américaine John Kerry doit recevoir ce mercredi à Washington son homologue chinois. Les deux hommes parleront évidemment de la situation à Hong Kong, où les Etats-Unis ont appelé la Chine à faire preuve de retenue face au mouvement de contestation. Sur place, ces deux jours fériés vont être scrutés, car ils pourraient charrier de nouveaux participants. La question est de savoir si le mouvement en est, oui ou non, à un tournant.
■ TÉMOIGNAGES
Le mouvement « Occupy Central » est hétéroclite. Il regroupe également plusieurs dizaines de banquiers, qui sont venus rejoindre ses rangs, à l'instar d'Edward Chin, gérant de hedge fund. Que va-t-il se passer désormais ? Edward Chin ne croit pas à une intervention de l'armée.
« Le calcul de Pékin, explique-t-il, c'est de donner la bénédiction au chef de l'exécutif à Hong Kong, pour faire un usage disproportionné de la force. On est devant un arrangement entre communistes. Et ils n'ont pas vraiment bonne réputation quand il s'agit de faire des promesses. En réalité, ce qu'ils sont en train de faire, c'est de violer les accords conclus il y a 30 ans entre le Royaume-Uni et la Chine. C'est ce qui inquiète Hong Kong, et c'est la raison pour laquelle on est tous aujourd'hui dans la rue.
Ce soir, on peut s'attendre à ce qu'il y ait au moins 150 000 personnes dans la rue, mobilisées dans les différents quartiers de Hong Kong, et aussi à Mongkok, sur le continent. Le mouvement s'appelle « Occupons Central avec paix et amour », cela signifie : si nous manifestons de manière pacifique, cela embarrassera la Chine continentale. Je crois que la principale préoccupation des Hongkongais est de savoir s'ils auront une vraie démocratie en 2047. »
Qui doit prévaloir ?
Tous les Hongkongais - 7 millions de personnes - ne rejoignent pas le mouvement. Certains restent chez eux et d'autres s'opposent à « Occupy Central ». Parmi ces derniers, le groupe « Alliance pour la paix et la démocratie », considéré comme pro-Pékin. La rédaction anglophone de RFI a joint son leader, le journaliste Robert Chow. Ses explications ci-dessous :
« D’abord, je précise que nous sommes pour la démocratie. Comme tout le monde, nous voulons le suffrage universel à Hong Kong en 2017 ; une personne, un vote. Mais nous nous opposons à " Occupy Central ", parce que nous pensons que ça va faire du mal à Hong Kong. Ce serait une mauvaise manière d’arriver à la démocratie. Le résultat de ce qu'il s'est produit à Hong Kong est pire que notre pire cauchemar. En ce moment, nous avons des parties de la ville, Central, Mongkok, Causeway Bay, bloquées par des gens qui les occupent.
Les gens de Hong Kong sont dérangés dans leur vie quotidienne. Il y a un mois à peine, un million et demi de Hongkongais, presque une personne sur cinq, ont signé un texte s’opposant à " Occupy Central ". Vous devez vous poser la question : qui doit prévaloir ? 70 000 personnes qui veulent tout désorganiser, prendre Hong Kong en otage, obtenir le départ du gouvernement, pousser la Chine à leur donner plus ; ou un million et demi de personnes qui préféreraient la paix et vivre normalement ? Alors, qui prévaut ? C’est à ça que Hong Kong fait face en ce moment. »