Avec notre correspondant à Pékin, Stéphane Lagarde
Noël n’est pas un jour férié en Chine, et les Pères Noël ont encore moins de raisons de chômer. Musique à fond dans les haut-parleurs, un homme à la barbe blanche travaille pour un salon de thé. Il confie : « C'est super, Noël ! J'ai 20 ans, c'est la première année ! »
Dotés de petites lunettes, totalement imberbes, ces Pères Noël encore étudiants courent les rues ces jours-ci à Pékin. Et si le bonnet rouge à pompon blanc est respecté, pour le reste, c’est plutôt « couleur locale ».
« Une fête commerciale importée de l’occident »
Dans la grande rue commerçante du centre de la capitale chinoise, où des canons à neige ont mouillé les trottoirs ce mardi soir, un couple de Pères Noël avait choisi de sortir en pyjama, préférant la valise au traineau.
« On mange des pommes », disent-ils. 15 yuans, soit près de deux euros la pomme, qui se prononce « pinguo » en mandarin, proche de « pingan », « la veille de Noël ». En 2006 les professeurs de la prestigieuse université de Tsinghua, à Pékin, avaient signé une pétition demandant l’arrêt d’une « fête commerciale importée d’Occident », alors que certaines traditions chinoises étaient en recul.
La pétition est aujourd’hui tombée aux oubliettes. Pendant les fêtes, les Pères Noël vendent des voitures, quand d’autres accueillent les clients à l’entrée des restaurants. La chaîne Quanjude, qui sert du canard laqué aux Pékinois depuis les empereurs de la dynastie des Qing, en a embauché toute une armée.
« Le phénomène a explosé cette année »
« Il y a de plus en plus de Pères Noël en Chine, nous explique l’un d'entre eux, lunettes sur le nez et bouquet de ballons de couleurs à la main. Pour moi, c’est la première fois, c’est vraiment un phénomène qui a explosé cette année. »
Le Père Noël n’a rien à voir avec la religion, ce qui arrange bien les affaires du Parti communiste chinois. Reste à savoir si les petits Chinois y croient. « Le père noël, il vient de France, des Etats-Unis ou de Grande-Bretagne, répondent en cœur ces écolières dubitatives, mais le vrai n’est pas encore arrivé jusqu’ici. »
Un Père Noël patriote
En Chine, certains profitent du moment de Noël pour décliner leur flamme patriotique. Un site de vente en ligne propose ainsi de livrer ses clients sur les îles Diaoyu/Senkaku, ces rochers inhabités que la Chine dispute au Japon.
Les cadeaux du Père Noël ? Livrés directement sur les îles Diaoyu/Senkaku ! C’est ce que propose désormais le site Jingdong, l’une des boutiques en ligne les plus connues de Chine. L’archipel très contesté de 7km2, au milieu de la mer de Chine orientale, figure désormais parmi les 35 destinations de livraison proposées par cette plateforme de e-commerce.
Problème : ces rochers font l’objet d’un intense bras de fer diplomatique, appuyé par des démonstrations navales et aériennes de la part de la Chine et du Japon depuis désormais plus d’un an. Et surtout, ils ont la particularité d’être... inhabités ! Comment le Père Noël peut-il alors livrer sur les îles Diaoyu/Senkaku ? « Il suffit de remplir l’adresse exacte et le serveur vous dira si vous pouvez ou non être livré », répond l’une des opératrices du site, preuve que l’opération est d’abord un affichage patriotique.
Pendant ce temps-là, les internautes chinois ont d’autres interrogations, beaucoup plus existentielles et, en tous cas, moins localisées : la pollution a en effet envahi encore ce mardi près de 78 grandes villes du pays. « Noël est annulé, disent les réseaux sociaux, car le Père Noël s’est perdu dans le brouillard. »
S.L.