De notre correspondante à Phnom Penh,
Une grève jugée illégale par la direction et ce sont plus de 700 ouvriers licenciés sans préavis et 5 000 autres mis à pied. Soit l'essentiel du personnel. En réponse, les petites mains de cette importante usine qui fournit de grandes marques telles que Levi's, Gap, ou encore H&M ont décidé d'une marche spontanée, imposante... et assez unique dans le paysage en raison d'une loi sur les manifestations très stricte.
« Pourquoi la police n'a-t-elle pas stoppé leur marche ? Elle a essayé... mais elle n'avait pas assez d'hommes face aux ouvriers, explique Ath Thorn, le président de la Confédération cambodgienne du travail, majoritairement représentée dans cette usine singapourienne ; on peut aussi expliquer cette tolérance par le contexte post-électoral dans lequel nous sommes. Aucun gouvernement n'a encore été formé... Et les autorités pensent peut-être que si la police avait réprimé violemment cette contestation, ce simple litige de travail aurait pu être récupéré par l'opposition et se transformer en un conflit bien plus large. »
Ath Thorn détaille les intimidations sur le lieu de travail et autres abus dénoncés par les ouvriers. Et il s'offusque : « Le Code du travail cambodgien est pourtant inspiré du Code français, il est très bon ! Le problème, c'est son application ! Des sociétés contestent et assurent par exemple pouvoir renouveler à l'infini des CDD ! »
Recrudescence des grèves
Cette année est marquée par une recrudescence des grèves, relève le populaire leader syndical, qui liste les principales raisons de ce phénomène : « Le salaire reste le problème numéro 1 parce qu'ils restent bas en comparaison de l'augmentation du coût de la vie. Ensuite, il y a encore beaucoup de discrimination envers les syndicalistes. A noter aussi que les ouvriers sont de mieux en mieux informés de leurs droits. »
→ A (RE)ECOUTER : Cambodge : colère des ouvrières du textile
Quelques heures de négociations plus tard, le patron de l'usine acceptera de réintégrer tout le monde. Les autres exigences des ouvriers, comme une réévaluation du salaire mensuel à 150 dollars au lieu des 80 dollars actuels ou encore la mise en place d'indemnités de repas, feront l'objet de pourparlers ultérieurs. Ce n'est qu'un début mais il va faire date, se réjouit Joel Preston, un expert des conflits du travail pour l'organisation Clec (Community Legal Education Center) : « La semaine dernière, détaille ce dernier, les revendications de ces ouvriers ont été mises en avant par la Confédération cambodgienne du commerce lors du forum des acheteurs. Et il semble qu'elles vont constituer l'agenda à suivre dans le secteur industriel à l'échelle nationale. C'est génial de voir que les demandes de ces ouvriers locaux vont être reprises à travers tout le pays par les ouvriers de la confection textile. »
Autre victoire remportée par les manifestants, le départ de militaires que la direction avait déployés dans leur usine. Mais que cette situation ait pu se produire, regrette Joel Preston, traduit un échec de la responsabilité sociale d'entreprise des acheteurs aux logos mondialement connus.