Italie: une affaire d'expulsion forcée embarrasse de hauts responsables politiques

L'expulsion illégale de la femme et de la fille d'un dissident kazakh, par les autorités italiennes, a mis le feu aux poudres dans les rangs politiques. Des ministres du président du Conseil, Enrico Letta, sont dans la ligne de mire des partis de l'opposition, mais également de son propre camp. La presse nationale souligne des rapports étroits entre le président kazakh et certaines personnalités politiques.

Les évènements se sont déroulés dans le silence mais, une fois l'affaire dévoilée, elle n'a pas manqué de faire du bruit. Le 29 mai 2013, peu après minuit, une quarantaine de policiers et d’agents des forces antiterroristes font violemment irruption dans une villa de la banlieue de Rome. Ils cherchent un dissident kazakh, ancien directeur de la banque BTA et ancien ministre, Moukhtar Abliazov. Celui-ci, après avoir établi qu’il risquait d’être persécuté en cas de renvoi dans son pays, où il a été déclaré coupable de détournements de fonds publics en 2002, bénéficie de l’asile politique au Royaume-Uni. Il ne se trouve donc pas à Rome.

Pourtant, parmi les habitants de cette villa se trouvent son épouse, Alma Shalabaeva, et leur fille de 6 ans. Elles vivent à Rome depuis septembre 2012. Alma est en possession d’un passeport de République centrafricaine, un faux selon les policiers. Quelques heures plus tard, toutes deux se retrouvent dans un centre d’identification et d’expulsion et sont embarquées le 31 mai sur un vol privé pour le Kazakhstan. Alma n’a ni la possibilité de déposer un recours contre le rapatriement forcé, ni de demander l’asile politique, alors que les lois italiennes et européennes le prévoient.

Des liens étroits entre le président kazakh et des personnalités politiques italiennes

Un mois plus tard, l’affaire sort au grand jour. Une enquête est ouverte le 10 juillet et le 12 juillet le président du Conseil, Enrico Letta, annonce la révocation d’expulsion d’Alma Shalabaeva et de sa fille. Il est pourtant trop tard : elles sont désormais en résidence surveillée au Kazakhstan.

La polémique sur ce mystérieux rapatriement forcé enfle significativement. Selon un rapport du chef de la police, Alessandro Pansa, officiellement ni le président du Conseil, ni le ministre de l’Intérieur, Angelino Alfano, ni même la chef de la diplomatie, Emma Bonino, n’ont été informés de la procédure d’expulsion conduite par les autorités judiciaires et policières de Rome. Un argument peu convainquant pour certains.

La presse italienne laisse entendre que ces expulsions pourraient être un geste envers le président kazakh Noursoultan Nazarbaïev car celui-ci nourrit des liens étroits avec des personnalités italiennes, telles que Silvio Berlusconi. Parallèlement, Rome a des intérêts stratégiques à préserver, notamment en matière d’énergie. L’Italie est de fait le troisième partenaire commercial du Kazakhstan, derrière la Chine et la Russie.

Un haut responsable contraint de démissionner

Dans cette affaire très complexe, plusieurs têtes risquent de tomber. Le chef du cabinet du ministre de l’Intérieur, Giuseppe Procaccini, a déjà démissionné. Ce vendredi 19 juillet, Angelino Alfano doit affronter au Sénat une motion de censure déposée par des partis de l’opposition, et soutenue même par une dizaine de députés du Parti démocrate.

Angelino Alfano soutient avec fermeté que pour les forces de sécurité italiennes Moukhtar Abliazov était uniquement l’homme décrit par l’ambassadeur kazakh à Rome, autrement dit, un dangereux terroriste en fuite. Rome affirme également que son épouse n’a jamais fait de demande d’asile. Mais le chef de la police, lui, reconnaît aujourd’hui que l’affaire a été, dit-il, « mal gérée en raison des pressions kazakhes  » .

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