Le président afghan Hamid Karzaï est arrivé mardi 8 janvier à Washington pour une visite officielle de quatre jours. Cette visite s’inscrit dans le cadre des négociations en cours depuis mi-novembre sur les modalités de la présence américaine en Afghanistan après le retrait des troupes de l’Otan en 2014.
Karzaï rencontrera les hauts fonctionnaires de l’administration américaine, mais aussi la secrétaire d’Etat Hillary Clinton et le président Obama. Barack Obama va recevoir vendredi la délégation afghane à la Maison Blanche, précise un communiqué publié par la présidence.
Les deux chefs d’Etat s’entretiendront sur la transition politique et économique sur le terrain, la formation des forces de sécurité afghanes et le bilan des négociations avec les insurgés talibans. Selon un éditorial paru dans le New York Times, ces pourparlers seront particulièrement importants car ils vont déterminer les choix stratégiques que les Etats-Unis vont devoir faire concernant leurs relations à long terme avec l’Afghanistan.
Une guerre impopulaire
Le principal choix stratégique que le président Obama devra faire concerne le rythme du retrait des troupes américaines déployées en Afghanistan depuis 2001. L’Otan compte actuellement 100 000 soldats, dont les deux tiers sont américains. Or, comme la guerre afghane est devenue très impopulaire aux Etats-Unis, le président est déterminé à ramener les boys à la maison, laissant sur place, après 2014, une force symbolique de 3 000 à 9 000 hommes.
Ceux-ci seront chargés de former l’armée et la police afghanes qui sont censées assumer, après le départ des Américains, la responsabilité complète de la sécurité du pays. Le sénateur républicain Chuck Hagen, qu’Obama vient de nommer à la tête du Pentagone, s’est déclaré lui aussi favorable à une diminution importante du nombre de soldats stationnés.
La décision sur la taille de la « force résiduelle » sera vraisemblablement tranchée dans la foulée de la visite du président afghan. Malgré ses imprécations constantes contre le comportement « barbare » des soldats de la coalition, Karzaï est favorable au maintien d’une force américaine importante dans le pays. Mais il a longtemps tergiversé sur la question du statut juridique des forces de sécurité américaines en Afghanistan après 2014.
Conscient que Washington peut être intraitable s’agissant de l’immunité judiciaire de ses personnels, le président afghan a fini par lâcher du lest et se déclare prêt à accorder l’immunité aux soldats américains stationnés sur le sol de son pays. Mais il réclame en contrepartie que ses griefs soient mieux pris en compte par l’administration Obama.
Griefs et « shopping list »
Ces griefs sont nombreux, mais certains reviennent systématiquement dans les discours publics du président afghan. Pas plus tard que lundi, quelques heures avant de prendre l’avion pour Washington, celui-ci les a réitérés devant une délégation sénatoriale américaine.
Répondant à une question sur la corruption qui gangrène son gouvernement, Karzaï a, à son tour, accusé les Occidentaux de promouvoir la corruption dans son pays. Faisant écho à son ministre des Finances, il a réclamé que l’aide internationale soit versée directement sur le budget du gouvernement afghan, au lieu d’être canalisée par le biais des ONG au fonctionnement opaque et luxueux.
Karzaï réclame aussi « une totale souveraineté sur son système carcéral ». Il cite à qui veut l’entendre l’exemple du centre de détention militaire de Parwan, toujours dans les mains des Américains alors que le transfert de son contrôle aux autorités afghanes avait été programmé pour mars 2012 !
« Marge de manœuvre limitée »
Il y a de fortes chances que ces accusations figurent en bonne place dans les pourparlers que tiendra la délégation afghane avec les plus hautes autorités américaines. Hamid Karzaï est également venu, si l’on en croit la presse américaine, avec une « shopping list » impressionnante : il cherche des drones, des hélicoptères, et d’autres équipements militaires pour son armée balbutiante.
L’homme mise sur la crainte des Occidentaux de voir l’Afghanistan plonger dans la guerre civile et redevenir le lieu de ralliement du terrorisme international. « Le monde a plus besoin de nous que nous de lui », claironnent des membres de la délégation afghane.
Trouveront-ils satisfaction pour autant ? Rien n’est moins sûr, car, comme l’a écrit Washington Post, « la marge de manœuvre de Karzaï demeure limitée. Il peut certes refuser de signer l’accord de sécurité bilatéral en cours de négociation avec les Etats-Unis. Mais, comme le lui rappellent ses conseillers les plus proches, la poursuite de la présence militaire américaine après 2014 demeure la meilleure carte pour l’Afghanistan. »