La mutinerie a commencé jeudi matin 26 janvier dans la capitale du pays, Port Moresby, quand quelques officiers ont occupé sans violence une caserne qui abritait le quartier général des forces armées. Ils se sont emparés du chef d'état-major, le général Francis Agwi, mis aux arrêts à domicile, mais libéré ensuite.
Peu après, un colonel en retraite, Yaura Sasa, ancien attaché militaire en Indonésie, s'est autoproclamé chef de l'armée lors d'une conférence de presse. Il a précisé qu'il avait été nommé par le gouvernement de Michael Somare et il a demandé au Parlement de réinstaller dans ses fonctions le Premier ministre démis.
Les rebelles voulaient affirmer leur légitimité
Le colonel Sasa a déclaré qu'il ne s'agissait pas d'un coup d'Etat militaire et que sa mission était de restaurer l'intégrité et le respect de la Constitution et de la justice. Pour sa part, Michael Somare - qui insiste sur sa légitimité en tant que Premier ministre - a annoncé qu'il avait nommé un nouveau commandant de l'armée nationale. Somare a été le premier chef du gouvernement après l'indépendance de 1975. Il est resté en fonction pendant 36 ans avant d’être démis de ses fonctions en avril 2011, alors qu'il se trouvait à Singapour pour des problèmes de santé.
Il avait alors été remplacé à la tête du gouvernement par Peter O'Neill, après un vote des parlementaires. Revenu au pays, Somare avait demandé le départ d’O'Neill. En décembre, la Cour suprême lui avait donné raison mais elle a ensuite été désavouée par le gouverneur général, Sir Michel Ogio. Le Parlement a voté encore une fois pour O'Neill, lequel bénéficie de l'appui des fonctionnaires, des policiers et des chefs de l'armée. Certains éléments de l'armée penchent pourtant davantage vers Somare.
Crise constitutionnelle
En décembre dernier, au plus fort de la crise constitutionnelle, le pays avait deux Premiers ministres, deux gouverneurs, deux gouvernements et deux chefs de la police. La Papouasie-Nouvelle-Guinée, monarchie parlementaire, fait partie du Commonwealth, organisation qui regroupe les anciennes colonies britanniques. Le chef de l'Etat est la reine d'Angleterre, représentée sur place par un gouverneur général.
L'Australie, ancienne puissance coloniale, a appelé à « la restauration de la chaîne de commandement des forces armées de la Papouasie-Nouvelle-Guinée ». Des discussions dans ce sens seraient en cours au sein de l'armée. Le gouvernement a déjà annoncé la fin de la mutinerie et le Premier ministre Peter O'Neill a précisé que les autorités ont repris le contrôle total des casernes. Peu avant, le vice-Premier ministre Belden Namah avait annoncé que 15 des 30 officiers séditieux avaient déjà été arrêtés. Il avait également précisé que le colonel Sasa, accusé de haute trahison, risquait la peine de mort.
Instabilité politique chronique
L'histoire récente de la Papouasie-Nouvelle-Guinée est marquée par l'instabilité, la corruption et la violence. Le pays, limitrophe de la Papouasie indonésienne, est riche en ressources naturelles (minerais, hydrocarbures, forêts) et veut attirer les investisseurs étrangers. Les principaux gisements de cuivre, d’or et d’hydrocarbures sont exploités par des sociétés étrangères, notamment australiennes. L'instabilité politique actuelle compromet le développement économique, au moment où la société américaine Exxon-Mobil est en train de construire une énorme usine de gaz naturel liquéfié, le plus important projet industriel de l'histoire d’un pays qui demeure l’un des plus pauvres du monde.
La Papouasie-Nouvelle-Guinée, dont la superficie est voisine de celle de la France, est distante de quelques dizaines de kilomètres des côtes australiennes. Elle compte 6 millions d'habitants, qui parlent 820 langues différentes. Pour beaucoup d'habitants du pays, la crise actuelle, avec le conflit entre les deux hommes politiques qui affirment leur légitimité en tant que chefs du gouvernement, n'est qu'un épisode de la lutte des générations, entre la vieille garde, dont le chef incontesté est Somare et l'actuelle administration, plus ouverte et plus moderne. Des élections législatives en Papouasie-Nouvelle-Guinée auront lieu normalement en juin.