En Chine, le ras-le-bol des ouvriers passe par la grève

La multiplication des conflits sociaux depuis le début du mois de novembre témoigne du ras-le-bol d’un nombre croissant d’ouvriers chinois face à leurs conditions de travail et la faiblesse de leurs rémunérations. Confrontées au ralentissement de l’activité économique, les autorités chinoises craignent un embrasement social.

La grève de l’usine LG de Nanjing, dans l’est de la Chine, n’aura duré que quelques jours. Mais elle a permis aux employés du géant sud-coréen de l’électronique d’obtenir un doublement de leur prime annuelle. Ce conflit est le dernier en date d’une série de grèves et de débrayages qui a touché, au cours des dernières semaines, un nombre croissant d’entreprises situées dans l’est de la Chine.

Début décembre, c’est une filiale du groupe japonais Hitachi qui a connu plusieurs jours d’arrêt de travail. En novembre, des sous-traitants de grandes marques occidentales (Adidas, Nike dans le secteur de la chaussure ; mais aussi Apple, Hewlett-Packard et RIM dans l’électronique) ont également été touchés par des mouvements sociaux.

A chaque fois, ce sont les mêmes motifs qui ont provoqué la colère des ouvriers : conditions de travail dégradées, horaires à rallonge, salaires revus à la baisse… Un autre élément a également joué un rôle dans plusieurs de ces conflits : la crainte d’une délocalisation des activités vers d’autres pays (comme le Vietnam) ou d’autres régions chinoises, à l’intérieur des terres, où la main-d’œuvre est encore moins chère.

Ralentissement de l’économie

Depuis la crise de 2009, les tensions sociales n’ont jamais totalement disparu dans l’est de la Chine, où sont concentrées la majeure partie des industries. Mais la multiplication soudaine des conflits, au cours des dernières semaines, semble découler directement du trou d’air traversé, depuis l’été, par l’économie chinoise. La croissance du PIB chinois, qui avait atteint 10,4% en 2010, a subi un sérieux coup de frein depuis le début de l’année 2011 : de 9,7% au premier trimestre, elle est passée à 9,5% au second, puis à 9,1% au troisième.

La Chine, dont l’économie reste fortement dépendante de ses exportations, subit le contrecoup de la crise en Europe et aux Etats-Unis, les deux régions du monde qui absorbent une grande partie de sa production. Confrontées à la baisse soudaine de leurs ventes, les entreprises tentent de réduire les coûts, le plus souvent au détriment de leurs salariés. Or, ces derniers subissent parallèlement une hausse importante du coût de la vie (une hausse de 13% des prix alimentaires en douze mois). Résultat, un ras-le-bol qui s’exprime, de plus en plus souvent, par un recours à la grève.

Eviter l’embrasement

Confrontées au ralentissement pas forcément contrôlé de l’activité économique, et à la montée de la grogne dans les usines, les autorités politiques du pays souhaitent éviter l’embrasement. Première préoccupation : la capacité croissante des ouvriers à revendiquer, et à s’organiser collectivement, en dehors des structures syndicales officielles.

Selon un rapport de l’ONG China Labour Bulletin, basée à Hong Kong, consacré aux mouvements sociaux de ces deux dernières années, ces ouvriers sont souvent mieux éduqués que les générations précédentes, et davantage disposés à réclamer de meilleures conditions de vie et de rémunération. Résultat, toujours selon cette ONG, les grévistes se montrent davantage solidaires, et parviennent souvent à obtenir des résultats concrets, notamment en termes de salaires.

Seconde préoccupation des autorités chinoises : les perspectives économiques pour 2012 ne sont guère encourageantes. La récession qui se profile au sein de la zone euro et le tassement de l’activité aux Etats-Unis vont avoir, dans les prochains mois, un impact très lourd sur la croissance chinoise, et donc sur le climat social. Signe de l’inquiétude croissante du gouvernement chinois, les déclarations de Zhu Guangyao, le vice-ministre chinois des Finances, qui estimait au début du mois que la crise actuelle pourrait être plus grave encore que celle provoquée, en 2008, par l’effondrement de Lehman Brothers.

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Pour consulter le rapport du CLB sur les mouvements ouvriers chinois :
http://www.clb.org.hk/en/files/share/File/research_reports/unity_is_strength_web.pdf
 

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