Les ONG inquiètes pour l’avenir des femmes en Afghanistan

Cette semaine, c’est le 10e « anniversaire » du début de l’intervention de la coalition internationale en Afghanistan pour mettre fin au régime taliban et capturer Oussama ben Laden après les attaques du 11-Septembre. Depuis ce 7 octobre 2001, la condition des femmes dans le pays s’est améliorée avec des avancée majeures, notamment en matière de participation politique et d’accès à l’éducation. Mais le retrait annoncé des militaires internationaux et la résurgence du mouvement taliban font craindre à plusieurs ONG une possible dégradation des progrès accomplis ces dernières années.

« Les femmes veulent la paix, mais pas au prix de perdre à nouveau leur liberté », Noorjahan Akbar, la cofondatrice du mouvement Young Woman for Change, ne mâche pas ses mots. Pour elle, comme pour plusieurs ONG de défense des droits de l’homme, les droits des femmes sont aujourd’hui sérieusement menacés en Afghanistan. Dans un rapport publié ce lundi 3 octobre, l’organisation Oxfam tire le signal d’alarme avant qu’il ne soit trop tard.

Depuis le début de l’intervention occidentale en 2001, la condition des Afghanes s’est considérablement améliorée. Obligées de rester chez elles, privées d’éducation et de moyen d’expression sous le régime des talibans, elles ont depuis acquis une place dans la vie politique du pays. Aujourd’hui, il y a au Parlement afghan 69 femmes élues, soit 28% de l’assemblée. L’un des plus forts taux du monde de représentation féminine !

De même, l’accès à l’éducation est une vraie réussite. Plus de 2,7 millions de filles ont désormais accès à l’école, ce qui représente plus de la moitié des filles en âge d’être scolarisées. Le taux d’alphabétisation des jeunes filles de 12 à 16 ans a connu une forte augmentation ces dernières années et s’établit désormais à 37%.

Des acquis en danger

Ce bilan positif, le rapport d’Oxfam tend néanmoins à l'atténuer car ces bons chiffres ne reflètent pas à eux seuls la réalité de la condition féminine dans le pays. Certes, les Afghanes sont représentées au Parlement. Mais elles sont pratiquement absentes du gouvernement. Une seule ministre y siège en 2011, un recul par rapport à 2004 où elles étaient trois. Une sous-représentation que l’on note également dans la justice et dans les forces de l’ordre. Pas plus de 4% des juges sont des femmes.

Dans la police, le constat est encore plus alarmant : on dénombre seulement 1 000 femmes policiers, c'est-à-dire moins de 1% des effectifs. C'est un problème pour l’accueil des Afghanes victimes de violences dans un pays où 87% d’entre elles avouent déjà en avoir subies et alors que ces actes sont en recrudescence : plus de 1 000 cas de violences enregistrés au deuxième trimestre 2011 contre 2 700 pour toute l’année précédente.

Mais surtout - et c’est la principale inquiétude des l’ONG - les Afghanes n’ont pas de véritable place dans les négociations de paix. Sans leur participation, il y a un vrai risque que leurs droits ne soient pas défendus face aux exigences des talibans et autres groupes avec lesquels l’Etat peut être amené à négocier. « Il faut protéger les femmes, explique Noorul Haq Oloomi, chef du parti Hezb-e Mutahid-e Milli. Mais les talibans ne croient pas en la société civile ni en la démocratie. Il est donc possible qu’un accord avec eux compromette les droits des femmes ». D’autant plus que leur influence pourrait encore prendre de l’ampleur lors du retrait des troupes internationales en 2014.

Les projections les moins optimistes envisagent même un retour des talibans à la tête de l’Etat rapidement. Et les Afghanes ne cachent pas leur inquiétude devant cette hypothèse : selon l’ONG ActionAid, basée en Afrique du Sud, 72% des femmes en Afghanistan estiment que leur vie est bien meilleure qu’il y a 10 ans et 86% craignent un retour au pouvoir des talibans.

Un avenir incertain

« Hamid Karzai n’est pas hostile aux femmes mais il doit contenter les seigneurs de guerre. Du coup, il ferme les yeux sur la conditions des femmes », pour Elay Ershad, parlementaire, la situation est assez claire. Sur l’autel de la paix, les femmes pourraient être sacrifiées. Il faut donc mobiliser les décideurs afghans et ne pas céder un pouce de terrain face au pouvoir en place.

Cependant, la seule bonne volonté des autorités de Kaboul ne suffira pas pour Oxfam et ActionAid. Le respect de la condition féminine passe par une action de la communauté internationale. Elles demandent donc la poursuite des financements des services dont bénéficient les Afghanes comme les écoles ou encore les formations après 2014.

Le respect des droits des femmes doit devenir un préalable non négociable avant toute discussion. Pour ActionAid, les parties doivent « s’engager publiquement pour l'égalité hommes-femmes ». « La vie est déjà de plus en plus dure pour les Afghanes. Quelle sera notre vie dans les dix prochaines années ? », déclare Orzala Ashraf Nemat l'un des auteurs du rapport d'Oxfam. Et ce qu’elles attendent désormais ce sont des réponses pour ne plus que leur avenir soit incertain.

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