Avec notre correspondant à Bangkok, Arnaud Dubus
Ce sont des paroles que l’on n’avait pas entendu depuis plus d’un demi-siècle dans la bouche d’un dirigeant birman. Le gouvernement, a dit le président Thein Sein, est élu par le peuple et doit donc respecter la volonté du peuple. Cette suspension est le geste concret le plus important fait par le régime depuis qu’il a adopté un profil moins autocratique en juillet.
Le barrage de Myitsone était en effet devenu le symbole de l’arrogance du pouvoir et de son mépris pour les droits des habitants. Situé dans l’Etat Kachin, près de la source du fleuve Irrawaddy, le barrage doit alimenter une kyrielle de centrales hydroélectriques et inonder 800 km carrés de forêts. 12 000 villageois ont déjà été expulsés de leurs terres. Les organisations de protection de l’environnement dénoncent aussi les effets potentiellement destructeurs sur les communautés rizicoles en amont.
Au printemps dernier, des heurts avaient opposé la guérilla ethnique des Kachins, mécontente du barrage, et l’armée birmane. La décision de suspension vise à nourrir l’image réformiste que veut se donner le nouveau président. La Chine, qui devait bénéficier de 90% de l’électricité produite, va très probablement faire le forcing pour que le projet ne soit pas définitivement annulé.