Avec notre correspondant à Pékin, Stéphane Largarde
« Si t’as pas de Rolex à 50 ans, tu as raté ta vie de haut fonctionnaire ». Voilà en gros ce que laissait entendre le site internet de celui qui se fait appeler « Huaguoshanzongshuji », littéralement le « Premier secrétaire de la montagne des fleurs », allusion à l’un des quatre grands classiques de la littérature chinoise, dans lequel un roi singe qui n’a peur de rien décide de se rebeller contre les cieux.
Ici, la rébellion a consisté seulement en quelques captures d’écran, suivies par des zooms sur le poignet des cadres dirigeants. Clic-Clac ! Les meilleures photos ironise l’auteur du site, celles avec le plus de pixels qui permettent les agrandissements, étant parfois dénichées sur les sites officiels. « J'aime les montres et je ne veux pas commettre d'erreurs. Je me rends dans des boutiques pour apprendre et je vérifie avec de nombreux supports. Je consulte aussi des experts qui travaillent dans des magazines de montres », a-t-il expliqué à l'AFP.
Gros plans sur les cadrans. On voit par exemple le chef des pompiers de la province du Shanxi et sa Tudor en diamant. Le vice-président de l’ENA chinois (Ecole nationale d’administration), s’est lui fait attraper avec une Piaget. Mais le véritable déclic s’est produit lors de la catastrophe ferroviaire du 23 juillet dernier. 40 morts, 200 blessés. L’actuel ministre des Chemins de fers, Sheng Guangzu, a été vu sur les reportages avec une Rolex à 8 000 euros. Le vice-ministre qui l’accompagnait est aussi semble-t-il un adepte de la marque suisse, avec toutefois le modèle en-dessous à 5 800 euros. Pour notre internaute qui décidemment a l’œil, la marque préférée des officiels chinois reste « La Grande Classique » de Longines. Très mince et un peu moins m’as-tu vu paraît-il, elle est tout de même sertie de 48 diamants.
Le site est aujourd’hui fermé par la censure, mais les photos continuent de circuler sur d’autres sites. L’hiver arrivant, les manches longues et la censure devraient faire disparaître les montres de luxe pour un temps. Ce matin, parmi les cadres incriminés, seul l’un d’entre eux à accepté de répondre : « J’ai acheté mon Omega détaxée en France en 2005, tente de se justifier Yu Yi Gang le patron du bureau des taxes de Xinyuan dans le Shandong. C’était un souvenir, je l’ai payée près de 600 euros moins cher qu’en Chine ». La preuve au moins qu’il ne s’agissait pas de fausse montre.