Avec notre correspondante à Phnom Penh, Stéphanie Gee
Vann Nath n'a eu la vie sauve dans l'antichambre de la mort, S-21,* que grâce à ses portraits en série de Pol Pot qu'on lui ordonnait de réaliser. Il s'était juré que s'il réchappait de cet enfer, il peindrait l'horreur vue et vécue. Pour que ses compagnons d'infortune ne soient pas morts pour rien, pour que la jeune génération sache et que la barbarie ne revienne pas.
Ses tableaux, décrivant crûment des scènes de torture, ont rejoint, après la chute du régime ultra-maoïste, les murs de S-21, transformé en musée du génocide. Il était parvenu à mettre des images sur l'indicible.
Son ami, le réalisateur Rithy Panh, a dit de lui qu'il avait été « le premier à avoir entamé un travail contre l'oubli ». Dans son documentaire, S-21, la machine de mort khmère rouge (2003), Vann Nath avait accepté de se confronter à ses bourreaux d'hier.
Même affaibli par une santé fragile, le peintre poursuivait inlassablement son rôle de passeur de mémoire auprès des jeunes et avait témoigné en 2009 au procès de Douch, avec la dignité et la sagesse qui lui étaient caractéristiques.
Après 10 jours de coma et plus de 30 ans passés à témoigner, la maladie a emporté Vann Nath. Il ne connaîtra pas la décision de la Cour suprême, qui tarde à se prononcer sur le verdict de Douch rendu en juillet 2010.
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* Les Khmers rouges ont transformé l'ancien collège Chao Ponhea Yat High School de Phnom Penh, en une prison de sécurité (Sécurité 21) en août 1975. S-21 ou Tuol Sleng, est devenu aujourd'hui le musée du génocide cambodgien.