Il faut prendre la voiture, rouler une centaine de kilomètres en direction du Nord, quitter la peau de bitume de la capitale chinoise et sa périphérie, pour enfin prendre la mesure de la sécheresse qui sévit aujourd’hui particulièrement dans l’est mais aussi dans le nord de la Chine. Au sol, une terre craquelée comme un vieux cuir, parsemée de touffes de végétations brûlées par les vents de l’hiver. A l’horizon, un bateau couché sur le sable, une terrasse de chaises en plastiques bleues et un restaurant connu autrefois pour ses plats de poissons. « Ici, il y avait le lac avant », se désole Li Ang en pointant du doigt les fissures sur la terre jaune. « On voit encore des traces de sel, poursuit cette ingénieure climat à Greenpeace Chine. Cela fait maintenant 100 jours que Pékin subi la sécheresse. Nous n’avons pas vu une goutte d’eau pendant 100 jours, c’est un vrai défi écologique que doit surmonter la capitale ». Ce défi est directement quantifiable lorsque l’on regarde le niveau de l’eau du lac de Guanting dans la province du Hebei. C’est l’un des deux réservoirs de Pékin et sa région. La superficie du lac a fortement diminué ses dernières années.
Diminution de la nappe phréatique
Bonnet blanc coincé entre les deux battants de la porte en métal de sa cour, Wo Yu Feng raconte que son puits est à sec depuis plusieurs années. « Heureusement, dit cette agricultrice, un nouveau puits a été creusé près de la route ce qui a permis d’arroser les maïs ». Mais le pompage intensif des eaux du sous-sol a aussi des conséquences. Le niveau de la nappe phréatique a diminué d’1 mètre 20 depuis 1999. « Moi, je ne suis qu’un citoyen moyen mais le journal dit qu’il vont prendre l’eau dans le fleuve Jaune », affirme dans un grand sourire Ma Shun Bao, gardien du restaurant à la saison morte. Les autorités de Pékin ont reconnu la semaine dernière faire face à un déficit de 515 millions de mètres cubes d’eau cette année. D’où le recours de plus en plus affirmé aux fleuve Jaune et au Yangtsé. Un projet qui demande de sérieuses études avant de se lancer sans risque, préviennent les organisations de protection de l’environnement. « Si vous prenez l’eau du sud pour les régions du nord, ça peut créer des désordres en aval, explique LI Ang. Le fleuve Jaune dessert la province du Henan et le Shandong notamment. Le Yangtsé alimente Shanghai autrement dit le centre économique de la Chine. Nous devons conserver un certain équilibre car les ressources sont limitées. »
Ne pas déshabiller Shanghai pour habiller Pékin
Ce ne serait pas la première fois que la capitale chinoise irait se servir dans les provinces voisines. 400 millions de m3 ont ainsi été pompés dans les réserves du Hebei et du Shanxi pour assurer l’arrosage des nouveaux parterres fleuris des Jeux Olympiques en 2008. La situation ne s’étant pas arrangée aujourd’hui, les pouvoirs publics doivent éteindre plusieurs foyers à la fois. Dans la province du Shandong 240 00 personnes sont aujourd’hui privées d’eau potable, selon les chiffres officiels. Dans la capitale comme dans l’ensemble des provinces touchées, nul doute que les danses du dragon pour le Nouvel An lunaire seront particulièrement suivies. L’occasion d’exprimer courage et fierté mais aussi de prier pour les dieux de la pluie.