Avec notre envoyé spécial à Rangoon, Rémy Favre
6h00, les rues étaient calmes dans le centre-ville de Rangoon. Peu d’électeurs s'étaient déplacés pour voter dès l’ouverture du scrutin. Dans les bureaux, pas d’isoloir, pas de rideau, le vote n’était pas secret.
Docteur Nyein, dirigeant de la Force démocratique nationale, le principal parti d’opposition en course : « Dans un township, à Thin Gung Yung, j’ai entendu dire que les membres de notre parti ont vu qu’il y avait, dans l’urne, deux ou trois bulletins avant que les opérations de vote ne commencent... évidemment, ils ont protesté… »
Protester, mais qu’est-ce que cela peut changer ? Ces derniers jours, le vote par avance, également, a été entaché d’irrégularités en faveur de l’USDP, le parti de militaires
« Les autorités, qui sont de mèche avec l’USDP, ont dit aux gens de voter avant le jour de l’élection, affirme le Docteur Nyein. Les gens doivent faire ce qu’on leur demande de faire et ils disent qu’ils doivent voter pour l’USDP. »
D’après un diplomate occidental à Rangoon, la fraude électorale est une sécurité pour les militaires... qui, de toute façon, ont tout prévu, bien en avance, pour s’assurer la victoire.
Un scrution «trop calme»
Les informations qui nous sont parvenues tout au long de cette journée d'élections ont donné de la Birmanie l'image d'un pays au visage « trop calme ». Les reportages décrivaient des rues bizarrement tranquilles... aucune agitation perceptible. Les boutiques avaient tiré le rideau de fer, les cybers-cafés étaient fermés. Selon les témoignages, il n'y a pas eu de bousculades, ni de files d'attente interminables devant les bureaux de vote. Manifestement la fièvre électorale n'a pas été au rendez-vous pour cette consultation rare, pour ne pas dire historique.
Tout regard extérieur avait été banni. Il n'y a pas eu d'observateurs internationaux et nombre de journalistes étrangers ont dû se résoudre à travailler dans la clandestinité.
Au total pas d'agitation, ni de passion pour un scrutin sur lequel tout le monde était d'emblée d'accord sur le fait qu'il était destiné à consolider dans les urnes près d'un demi-siècle de dictature militaire.
Le seul débat a concerné la participation. L'opposition elle-même s'est montrée divisée sur cette question d'y aller ou pas.
Quant aux militaires (assurés de la victoire, compte tenu du cadre institutionnel qu'ils avaient parfaitement verrouillé), leur ambition était d'obtenir un taux de participation important pour donner de la légitimité à ce dernier chapitre du processus politique enclenché de longue date. Ils seront sûrement exaucés puisque les registres électoraux indiquent précisément qui (parmi les 29 millions d'électeurs) a voté et qui ne l'a pas fait.
Analyse de Guy Lubeigt, chercheur au CNRS, spécialiste de la Birmanie :