Un plénum du Parti communiste chinois pour préparer l’après-Hu Jintao

Les délégués du Parti venus de toutes les provinces de Chine ont rendez-vous ce vendredi 15 octobre 2010 à Pékin où se tient jusqu’à lundi le 5e plénum du Parti communiste chinois (PCC). L’assemblée a lieu tous les ans, avant et après la fête nationale (1er octobre), mais elle revêt ici une importance particulière puisqu’il s’agit à la fois de tracer les grandes lignes du prochain plan quinquennal et de préparer la succession du président Hu Jintao.

De notre correspondant à Pékin,

A peine quelques lignes dans les quotidiens du matin : comme à l’habitude la presse chinoise préfère sagement attendre la parole du Parti plutôt que de se lancer dans les commentaires. La 5e session plénière du 17e Comité central du Parti communiste chinois ne déchaîne pas les passions ; il n’en demeure pas moins que le rendez-vous à son importance. A mesure que l’on s’approche de 2012, l’assemblée prend du poids puisqu’il s’agit cette fois d’évoquer les questions liées à la succession mais surtout de parler des grandes orientations pour les cinq années à venir.

Au cours de sa présidence, Hu Jintao a laissé deux concepts principaux au pays : « Le développement scientifique de la Chine » et « la société harmonieuse ». L’économie chinoise ayant incontestablement fait un bond en avant sous ses deux mandatures, pour se hisser cette année au deuxième rang mondial, c’est sur le deuxième point que se portent les critiques. La question de la « justice sociale » devrait donc être au cœur du prochain plan 2011–2015, croit savoir le China Daily ce matin.

Une manière de tenter d’enrayer le mécontentement d’une partie de la population. Car si elle est un motif de fierté, la santé de l’économie n’est pas le principal sujet discuté autour des tasses de thé : « Je suis un ancien paysan, confie ainsi ce chauffeur de taxi de la capitale. Ce qui compte pour nous, c’est ce qu’a fait le président Hu pour les paysans. Il nous a donné des subventions pour la production et nous avons droit à une assurance sociale quand on va à l’hôpital. Mais pour le reste, mon principal problème ce sont les bouchons à Pékin », poursuit le conducteur, manière de clore la discussion et d’éviter d’aborder plus avant les questions de politiques.
 
« Croissance interne » contre « clique de Shanghai »

Le terme est revenu plusieurs fois dans les discours officiels récemment, il devrait donc être présent à l’occasion de ce plénum. La « croissance » interne est un moyen commode, là encore, de ne pas parler directement des sujets qui fâchent. Certains y voient une façon de réduire la dépendance de l’économie chinoise aux exportations. D’autres y voient aussi une manière d’essayer de mieux redistribuer les richesses, l’indice de disparités des revenus ayant doublé ces trente dernières années, les années du développement justement. « Car la croissance a aussi des effets négatifs », estime un chercheur du ministère chinois du Commerce dans le magasine Mei Xinyu.

Revers pour l’environnement notamment, ou quand les industries les plus rentables sont souvent les plus gourmandes en énergie. Revers aussi pour ceux dont on parle désormais presque tous les jours dans les médias chinois : les paysans expropriés de leur terre au nom de l’usine à construire pour développer la région, les urbains expulsés de leur logement pour laisser la place à des tours de bureaux toujours au nom du développement. Un PIB mal redistribué c’est aussi la colère des campagnes, affirment certains dans le Parti qui poussent à réduire un peu la voilure en se débarrassant du même coup des critiques autrefois lancées par la « clique de Shanghai », les rivaux du clan de Hu Jintao au sein du Politburo qui ont longtemps vu dans le concept de la « société harmonieuse » un frein au développement économique.

Pas un mot en revanche, officiellement tout au moins, sur la question des libertés, relancée avec l’attribution du prix Nobel de la Paix, il y a tout juste une semaine à Liu Xiaobo, un dissident chinois de Chine populaire. Selon Liu Shanying chercheur en sciences politique à l’Académie chinoise des Sciences sociales interrogé par le China Daily, la question pourrait toutefois être abordée en interne comme l’avait d’ailleurs fait publiquement, au début de son premier mandant en 2003, le président Hu Jintao lui-même.

Xi Jinping, favori pour la succession

Pendant ces quatre jours, les couloirs du Palais du peuple devraient aussi bruisser de rumeurs quant à la succession qui sera décidée en 2012 lors du 18e Congrès. Deux noms reviennent le plus souvent dans les dîners en ville. Celui du vice-Premier ministre Li Kiqiang (probable futur Premier ministre en 2013), l’un des promoteurs du concept de la « société harmonieuse ». Mais aussi et surtout celui de Xi Jinping, l’actuel vice-président qui comme d’autres membres du bureau politique revient d’une tournée auprès des cadres en province. Car dans cette « démocratie verticale à la chinoise » comme l’ont qualifiée certains, ce qui compte le plus au fond c’est le juste milieu des choses. Autrement dit, un savant exercice d’équilibre. « Il y a de très fortes chances que XI Jinping obtienne le poste», affirme ainsi le sociologue Ru Xingdou, professeur à l’université de Technologie de Pékin.

Difficile toutefois de se lancer avec certitude dans les pronostics, les plénums du PCC et surtout les congrès ayant de fortes similitudes avec le Vatican. Chacun sait qu’il faudra attendre la « fumée blanche », et, en l’occurrence ici, le communiqué final, pour en connaître d’avantage : « Il y a un certain progrès par rapport au passé, affirme le professeur Xu Tiebing, mais on est loin du compte. On sait aujourd’hui qu’il y a des débats, on sait qu’il y a des opinions différentes dans le Parti, mais de là à dire quelle tendance l’emporte ou quelles orientations vont se dégager, c’est très difficile. Pour le successeur, c’est encore pire. Moi je compare cela à la ’Kremlinologie’ de l’époque soviétique, poursuit ce professeur au département politique de l’université de la Communication de Chine. De nombreux observateurs étrangers tentaient de deviner ce qui se tramait dans les couloirs du Kremlin. Or si on regarde ces analyses aujourd’hui, plus de 20 ans après la chute de l’Union soviétique, on s’aperçoit que la plupart n’étaient pas très solides ».

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