De notre correspondant à Pékin, Stéphane Lagarde
« Ce n’est qu’une session intermédiaire, nous en avons organisé de bien plus importantes » prévient notre guide en traversant les couloirs à grandes enjambées. Il faut pourtant presque courir pour la suivre tellement l’exposition semble démesurée. Un étages entier est réservé aux calligraphies, un autre aux porcelaines et aux bronzes, un autre encore aux livres anciens et aux manuscrits. Au total, près de 5 500 objets sont mis en ventes jusqu’à mercredi 22 septembre à Pékin.
C’est l’une des six sessions annuelles organisées par la China Guardian Auction, leader sur le marché chinois et selon un rapport du TEFAF -European Fine Art Fondation- en 2009, l’une des cinq plus importantes maisons de ventes au monde. Comme à chacune de ses opérations, le « gardien chinois des enchères » a mis les petits plats dans les grands, mobilisant une armée de surveillants et d’hôtesses en uniformes dans l’un des plus grands hôtels de la capitale. Il faut dire que la maison se porte bien. A l’abri de la concurrence, China Guardian Auction domine le marché des peintures chinoises. « La calligraphie et les peintures anciennes, c’est ce qui se vend le mieux poursuit notre guide, nous avons plus de mal avec les huiles et la peinture moderne ».
Depuis quelques années, le rachat du patrimoine tient presque du sacerdoce chez certains riches collectionneurs en Chine. Quand l’achat d’objet d’Art devient un acte patriotique : « 66 % de nos clients parlent le chinois, affirme Jay Sun, le directeur marketing de la compagnie. Avec les années, de nombreuses reliques chinoises sont revenues sur le territoire national grâce aux ventes aux enchères ».
Est-ce que le gouvernement central mène une politique de retour du patrimoine sur le territoire ? La réponse sur le site internet de cette entreprise privée est éclairante : « China Guardian a travaillé avec le gouvernement pour établir des méthodes et des politiques concernant l’exportation de travaux artistiques et culturels. Dans le cadre de ce processus, China Guardian a obtenu le respect du peuple et du gouvernement en contribuant à l’achat et au retour éventuel d’important trésors culturels venus des collections étrangères, (ce qui confirme la demande significative) pour la culture chinoise dans les musées nationaux et chez les collectionneurs ».
On se souvient d’ailleurs que la vente de deux bronzes appartenant à la collection Pierre Bergé par Christie’s avait provoqué la colère de Pékin en février 2009. La « tête de rat et de lapin » provenaient du sac du Palais d’été par des soldats français et britanniques il y a 150 ans. Les autorités chinoises avaient alors accusé la maison d’enchères basée à Londres d’avoir vendu à plusieurs reprises des trésors chinois pillés, et menaçaient de renforcer les contrôles sur les achats de Christie’s en Chine.
La dernière vente de China Guardian Auction au mois de mai de cette année a atteint un record de près de 240 millions d’euros. L’entreprise est l’une des premières à avoir été créée en Chine en 1993 et a connu une progression fulgurante. « Nos experts voyagent désormais dans le monde entier, se félicite Jay Sun. Nous avons des filiales à Shanghai, Tianjin, Hong-Kong, Taipei, New York et Tokyo ».
Spécialisée dans les antiquités chinoises, China Guardian Auction propose également de la monnaie, des timbres de collection et même des… anciens thés ! La boisson des sages comme les meilleurs crus de Bordeaux pouvant atteindre des sommes record. Pour la vente d’aujourd’hui, tous les regards seront tournés vers un magnifique vase aux « cent rayons » probablement réalisé pour la cour de l’empereur Kangxi sous la dynastie des Qing. Les 100 lignes sont d’une égalité parfaite et, à coup sûr, fera tourner la tête des acheteurs. Le prix de départ a été fixé entre 500 000 et 800 000 RMB (yuan renminbi).
Les passionnés moins fortunés heureusement pourront se rabattre sur des lots plus accessibles. Comme la « vieille affiche du cinéma chinois » datant de 1926 et portant le numéro de vente « 5553 ». Le graphisme très simple montre un homme sur un cheval et le ton bicolore, rouge et bleu pastel, semble apaiser le contenu d’un film tourné vers l’action. L’objet est mis en vente à 40 000 RMB, un peu plus de 4500 euros.