Conférence des donateurs en Afghanistan : vers un retrait ?

Dans un contexte sécuritaire toujours plus difficile, les autorités afghanes relèvent le défi de tenir à Kaboul une première conférence internationale sur l’avenir de leur propre pays. C’est le huitième rendez-vous ministériel de ce type depuis la conférence de Bonn juste après la chute du régime taliban en 2001. Cela signifie la présence d’une quarantaine de ministre et d’autant de responsables d’organisations internationales dans une capitale désormais sécurisée par l’armée afghane, avec l’appui de la Force internationale d’assistance à la stabilisation de l’Afghanistan. Les attaques à la roquette contre le centre de conférence où se réunissaient au mois de juin dernier les chefs locaux rassemblés par le président Karzai pour la Jirga de la paix, (assemblée des chefs locaux) en vue de travailler à la réconciliation, ont conduit les forces de sécurité afghane à un déploiement extraordinaire dans les rues de Kaboul.

De notre envoyée spéciale à Kaboul,

Les pays alliés de l’Afghanistan veulent voir dans cette conférence, un début de réconciliation nationale. C’est le moment choisi par Hamid Karzaï pour renouveler les engagements de son gouvernement envers les Afghans ainsi que les engagements de la communauté internationale envers l’Afghanistan.

Pourtant, près d’un an après sa réélection dans des conditions douteuses, alors que les Etats-Unis conditionnaient leur soutien à de meilleurs résultats dans la lutte contre la corruption, le gouvernement Karzaï n’est pas en mesure de répondre aux attentes.

Peu de choses ont évolué en matière de lutte contre la corruption. Les ONG, telle Integrity Watch Afghanistan, dénoncent même une aggravation du phénomène. Le gouvernement Karzaï qui accepte le constat botte en touche, expliquant que seuls 20% des aides transitent par les caisses de l’Etat, tandis que les grandes organisations internationales et les donateurs gèrent eux-mêmes les 80%.

Comme lors des précédents rendez-vous, le président afghan continue donc de plaider pour que son administration reçoive une proportion beaucoup plus importante de l’aide.

Afghanistan : le tonneau des danaïdes

A Kaboul, la question du financement de la reconstruction n’occupe plus le devant de la scène, du moins sur le plan quantitatif. Les grandes cérémonies s’achevant sur de faramineuses promesses de dons ont vécu.

Les promesses faites à Paris en 2008 ont même été dépassées avec des contributions de l’ordre de 12 milliards de dollars par an pour les Etats-Unis, en guise de soutien à la police afghane, auxquels il faut ajouter, toujours du même pays, 4,5 milliards d’aides publiques pour 2010 ; 300 millions en provenance de l’Union européenne, 500 millions de la part du Royaume-Uni, 450 millions de l’Allemagne, 1 milliard sur deux ans en provenance des pays nordiques et autant de la part de l’Inde, 40 millions par an pour la France. L’Afghanistan est ainsi le plus grand destinataire de l’aide publique mondiale, sans même compter les dépenses consenties dans le domaine militaire.

Or la reconstruction progresse péniblement. L’on s’est aperçu que ce n’était pas l’argent qui manquait mais que, si les populations n’en voient pas la couleur, c’est tout le système de distribution et de répartition des fonds qui est en cause… et toujours la corruption qui détourne l’aide de ses destinataires.

Le scepticisme des acteurs locaux

Dans de telles conditions, la lassitude submerge nombre d’acteurs locaux et de partenaires étrangers. Depuis un an, le président Karzaï s’emploie à remonter dans l’estime de ses concitoyens, et de ses interlocuteurs internationaux, suite aux accusations de fraudes massives qui lui ont permis de remporter une victoire électorale dès le premier tour de l’élection présidentielle d’août 2009. Mais sa politique manque de clarté. Accusé par ses détracteurs d’être la marionnette des Américains, il entend bien profiter de l’occasion pour réclamer la restauration de la souveraineté afghane, pleine et entière.

Dans ce qu’il présente comme le « processus de Kaboul », lancé en novembre 2009 lors de son investiture, Hamid Karzaï estime être en mesure de passer à une nouvelle étape sur le chemin de la paix et de la réconciliation. Se basant sur le consensus recueilli lors de la jirga de la paix de Kaboul un mois plus tôt, il entend désormais aller de l’avant dans les négociations avec les talibans. C’est une façon de préparer le pays à un départ progressif des troupes étrangères stationnées sur le sol afghan. Faute de victoire militaire, il importe de trouver de nouveaux alliés, à l’intérieur du pays.

En préparant la conférence de Kaboul, les pays participants ont donc travaillé sur les conditions du transfert des provinces sous le contrôle de l’armée afghane. Un agenda se dessine, sur la base d’une prise de décision conjointe entre le gouvernement afghan et le Conseil de l’Atlantique nord (tous les membres qui composent l’Otan). C’est l’entrée dans une période de transition qui devrait voir les provinces afghanes repasser les unes après les autres sous le contrôle de l’Etat afghan.

Combien de temps faudra-t-il ? La question reste pleine et entière, car pour le moment, alors que la communauté internationale n’envisage plus d’accroissement de sa présence militaire, l’on constate que les insurgés n’ont jamais tant contrôlé de terrain. En dehors de la capitale, les Afghans ordinaires sont de moins en moins enclins à résister aux approches des talibans, manifestement de mieux en mieux équipés, et maîtres de la situation dans un nombre croissant de provinces.

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