Le Parti démocrate du Japon (PDJ) détient une large majorité à la Chambre basse du Parlement, mais ces élections sénatoriales représentent un défi majeur pour le parti de centre-gauche, puisqu'il doit conserver sa position au Sénat pour éviter toute situation de blocage politique. Le PDJ est devenu la principale force politique après sa victoire écrasante aux législatives d'août 2009.
Selon Jean-Marie Bouissou, directeur de recherche à Sciences Po, c'est un test important pour le PDJ, puisque l’issue du scrutin permettra de savoir si les démocrates auront toute la liberté de manœuvre pendant les trois prochaines années.
L'objectif affiché par le Premier ministre Naoto Kan est de remporter 60 sièges pour conserver la majorité au Sénat. Or, selon plusieurs sondages publiés dans la presse nippone, la coalition au pouvoir formée du PDJ et du Nouveau Parti du peuple n'y parviendra pas seule et sera contrainte de composer avec d'autres partis.
Selon plusieurs observateurs, une majorité absolue est peu probable, compte tenu du fiasco politique de son prédécesseur Yukio Hatoyama et d'un autre ténor politique du PDJ, Ichiro Ozawa, tous deux mêlés à des scandales de financement occulte. Naoto Kan a hérité d'une lourde tâche : redorer l'image du gouvernement démocrate et rompre avec les pratiques de son prédécesseur, sévèrement critiqué par l'opinion publique pour ne pas avoir tenu ses nombreuses promesses et pour sa gestion désastreuse du déménagement de la base américaine sur l'île d'Okinawa. Un dossier qui lui a d'ailleurs coûté sa place.
Une majorité absolue du PDJ au Sénat semblerait donc exclue. Mais dans l'hypothèse où il lui manquerait 4 à 6 sièges, le PDJ réussira vraisemblablement à trouver des alliés. D'un autre côté, le Parti libéral-démocrate, principal parti d'opposition qui a dominé la vie politique japonaise pendant un demi-siècle, ne réussira pas à tirer un avantage de cette échéance. Selon Jean-Marie Bouissou, le PLD n'a jamais réussi à retomber sur ses pieds depuis sa défaite aux législatives le 30 août 2009. La difficulté pour les conservateurs vient surtout des petits partis issus des scissions du PLD.
Equilibre budgétaire et réduction de la dette
Ancien militant de gauche, Naoto Kan s'est reconverti à la rigueur budgétaire. Une cure drastique est indispensable, a-t-il récemment prévenu, pour éviter dans quelques années un scénario à la grecque.
Jean-Marie Bouissou rappelle que « la dette publique du Japon représente presque 210% du PIB. Une situation inédite dans le monde. » Et d'ajouter que « le budget de l'année 2010 est financé pratiquement pour moitié par l'émission de bons du Trésor, c'est à dire par l'emprunt. Autrement dit, l'Etat Japonais emprunte aujourd'hui davantage qu'il ne fait rentrer de recettes fiscales. Une situation qui ne peut plus durer. Les démocrates avaient promis lors de campagne électorale des législatives l'an dernier, qu'ils n'augmenteraient pas les impôts pendant toute la durée de la législature, à savoir pendant 4 ans. Ils ont dû revenir sur cette promesse et Naoto Kan a clairement fait savoir que l'actualité était à augmenter les impôts.»
L'une des mesures phares de Naoto Kan pour revenir à l'équilibre budgétaire est de doubler la TVA (actuellement de 5%). Et les Japonais seraient prêts à faire ce sacrifice, conscients que la réduction de la dette et la sécurité de la protection sociale passent forcément pas des mesures de rigueur. Ils seraient même reconnaissants à Naoto Kan d'avoir dit tout haut, ce que la classe politique japonaise s'évertue à taire depuis des années.
Cette prise de position de Kan avant les élections sénatoriales ne lui portera vraisemblablement pas préjudice, même si l'on constate une chute brutale dans les sondages de sa cote de popularité. Jean-Marie Bouissou explique à cet égard que l'opinion japonaise est extrêmement volatile.
L'épine d'Okinawa
Fort de l'expérience désastreuse de son prédécesseur dans la gestion de l'affaire de la base américaine à Futenma sur l'île d'Okinawa, Naoto Kan ne se précipitera pas pour rouvrir ce dossier.
Yukio Hatoyama avait promis lors de son élection qu'il procèderait au déménagement de la base en dehors de l'île. Promesse jamais tenue en raison du caractère délicat des rapports entre les deux pays codifiés par le traité de sécurité américano-japonais.
Jean-Marie Bouissou considère que la volonté de Hatoyama de rééquilibrer les relations entre les deux pays a été précipitée, et qu'il s'est saisi de ce sujet comme d'une mesure symbolique au détriment d'autres dossiers autrement prioritaires.