Pour une bonne partie de la presse américaine, c’est tout simplement le procès phare du mouvement #MeToo. « Elles s’étaient massées près de l’entrée du New York County Criminal Court et l’attendaient de pied ferme : plusieurs des victimes supposées de Harvey Weinstein, droites et unies devant lui. Mais quand le producteur déchu est apparu avec son déambulateur pour aller affronter la justice, elles n’ont rien dit, rien crié : leur seule présence parlait ».
C’est le reporter du journal canadien Le Devoir qui raconte cette scène dans un article publié ce matin. Et le journaliste d’expliquer : « Si ces femmes dont plusieurs actrices l’attendaient dehors, c’est parce que le procès criminel qui s’est ouvert à l’intérieur lundi ne les concernait pas directement. Sur plus de 80 dénonciations visant Weinstein, la justice new-yorkaise n’a en effet retenu des chefs d’accusation que pour deux dossiers : un viol en 2013 et une agression sexuelle en 2006 ».
Selon l’actrice Rosanna Arquette citée par Le Devoir, cette situation est « certainement extrêmement frustrante ». Une autre comédienne, Sarah Ann Masse, ajoute : « Ce procès est déjà une reconnaissance sociale : c’est une grande victoire de le voir être tenu responsable, lui et aussi le système qui l’a protégé pendant des années. »
Un procès qui n’aurait pas été possible sans les révélations du New York Times et du magazine The New Yorker
The New Yorker publie sur son site internet le reportage saisissant de Ronan Farrow sorti en 2017, un recueil d’une dizaine de témoignages de victimes du puissant producteur hollywoodien. Cette enquête a eu l’effet d’une bombe dont la déflagration s’est transformée en ce mouvement planétaire appelé #MeToo. Le journaliste rappelle que pendant une vingtaine d’années, de nombreuses rumeurs sur les viols et d’autres abus sexuels collaient à la peau d’Harvey Weinstein.
Certains journaux s’étaient lancés dans des enquêtes, mais ont dû abandonner faute de témoignages. Trop peu de personnes voulaient parler et encore moins révéler leur identité. Certaines femmes comme l’actrice Asia Argento (qui s’est finalement confiée à Ronan Farrow) disait avoir peur que le producteur détruise leur carrière.
Comment trouver des jurés « impartiaux » ?
C’est à lire dans le Washington Post. D’après certains avocats, un procès se gagne ou se perd lors de la sélection du jury. Un juré est censé se faire une opinion sur les accusations seulement pendant le procès, et ne pas avoir une attitude militante. Mais comme ce procès est une sorte de référendum sur le mouvement #MeToo, écrit le Washington Post, il est difficile de constituer un jury impartial. Chacun des futurs jurés s’est forcément déjà forgé une opinion, car il est impossible d’échapper à la couverture des médias sur cette affaire.
C’est ce qui inquiète d’ailleurs l’avocate de Harvey Weinstein. « Avec le mouvement #MeToo, la notion de présomption d’innocence a volé en éclat », explique-t-elle au Washington Post. L’avocate qui croit en l’innonce de son client poursuit : « Un seul témoignage de victime n’est souvent pas suffisant pour convaincre le jury qu’elle dit la vérité. Mais une douzaine d’accusations (similaires) éliminent le doute ». L’avocate de Harvey Weinstein admet que sa défense suscite la colère et l’incompréhension chez certaines femmes. « Mais vous savez », dit-elle au Washington Post, « en tant qu’avocate pénale, je ne pense pas qu’il y ait les bons d’un côté et les mauvais de l’autre. C’est un procès historique, et je suis prête à me battre et à le gagner ».
Direction Haïti, avec la Une de l’agence Alterpresse. A la Une, la visite du secrétaire général de l’OEA, Luis Almagro, un déplacement qui s’inscrit dans sa campagne de réélection, mais pas seulement.