Les propositions du président chilien Piñera ne convainquent pas la rue

Des dizaines de milliers de personnes ont encore manifesté mercredi 23 octobre à Santiago du Chili, au cinquième jour d'une mobilisation qui a fait au moins 18 morts selon un bilan officiel. Malgré des propositions de réformes sociales de la part du président Piñera, la colère continue de gronder dans la rue.

Avec notre correspondante à Santiago, Justine Fontaine

Le mea culpa du président Sebastian Piñera mardi 22 octobre au soir, puis la série de promesses de réformes sociales comme l'augmentation des minima vieillesse et le gel du tarif de l'électricité le 23 octobre n'ont pas convaincus les manifestants. Ces derniers sont descendus une nouvelle fois dans les rues des principales villes du pays, malgré l'état d'urgence, pour exiger des réformes profondes en vue de lutter contre les inégalités sociales.

Cette fois-ci, les manifestants, surtout des jeunes, ont pu avancer sur l’Alameda, la principale avenue de Santiago. Mais ils doivent rapidement faire demi-tour : les forces de l’ordre les empêchent d’approcher du palais présidentiel de la Moneda.

Des mesures insuffisantes

Kisley Bétancourt, une jeune diplômée, n’est pas convaincue par les promesses sociales du président : « Ce qui m’indigne le plus, c’est qu’il ait proposé une hausse de 20% des minima vieillesse, car cela correspondrait à une augmentation de seulement 21 000 pesos environ. Avec ça, les personnes âgées ne peuvent même pas compenser la hausse des prix des produits de première nécessité ! C’est une misère ! »

Pour Frank Gaudichaud, politologue spécialiste du Chili, ces mesures marquent déjà un grand changement dans l'approche de Sebastian Piñera par rapport à la crise sociale : « Déjà, on peut faire le constat d’un revirement important de Sebatian Piñera. Il était sur une position de militarisation et de répression en disant notamment : "nous sommes en guerre". Et là il a fait des offres de réformes sociales pour reprendre un peu la voie politique. »

Ras-le-bol des militaires

Sebastian Piñera a promis par exemple une aide pour les employés payés au salaire minimum. Mais pour Ricardo Lopez, manifestant, ces annonces sont insuffisantes : « Sur ma pancarte, il est écrit "Piñera démissiond’un côté, et de l’autre il est écrit "que les militaires s’en aillent". C’est l’une de nos principales demandes : que les forces armées partent et nous laissent retourner à la normalité, au calme, sans qu’ils nous visent avec leurs armes. On ne pensait pas revivre ça un jour. »

Depuis le début du mouvement, lancé pour demander l’annulation de la hausse du prix du ticket de métro, plus de 2 000 personnes ont été arrêtées, une centaine blessées par balles. Au moins cinq personnes seraient décédées sous les coups ou les balles des forces de l’ordre.

►À écouter aussi : Décryptage - De Santiago à Beyrouth, la révolte des jeunes et des déclassés

La crise ne peut pas être résolue grâce à ces premières mesures, explique Frank Gaudichaud : « Il y a des offres hétéroclites, mais qui ne remettent pas en cause le fond de l’affairele modèle néo-libéral. Ces offres ne vont pas résoudre la crise sociale tout comme elles ne vont pas calmer la rue qui attend bien plus. »

Partager :