[Reportage] Honduras: la dangereuse pêche à la langouste

Au Honduras, la pêche à la langouste peut coûter la vie. Début juillet, 27 pêcheurs sont morts dans le naufrage d’un navire. Dans la région de la Mosquitia, dans l'est du pays, ils sont des milliers à dépendre de cette activité précaire où les accidents de plongée sont vite arrivés.

C’est au 1er juillet que chaque année, des milliers de pêcheurs se lancent pour une nouvelle saison de pêche à la langouste. Parmi eux, nombreux sont recrutés parmi les populations les plus pauvres et la pêche constitue leur principale source de revenus pour l’année.

Les accidents de décompression

Teleth Bell faisait partie de ces plongeurs prêts à tout pour multiplier ses prises. Mais en 1980, il est victime d’un accident de décompression qui lui paralyse les jambes et le force à marcher avec des béquilles : « Aujourd’hui, je suis extrêmement pauvre, j’ai été complètement abandonné, et je n’ai plus rien. Nous sommes très très mal. Nous ne recevons aucune aide, ni du propriétaire du bateau ni du gouvernement. Depuis mon accident, je ne peux compter que sur Dieu. »

Comme Teleth Bell, des centaines de pêcheurs se retrouvent paralysés à la suite de plongées trop profondes ou trop répétitives. Lorsqu'ils remontent trop vite à la surface de l'eau, des bulles gazeuses se forment dans leur corps, et provoquent de graves lésions musculaires et cérébrales. Le principal problème, c’est le matériel. Il est souvent trop rudimentaire et non contrôlé.

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Il y a aussi un manque de prévention auprès des plongeurs et aussi des horaires qui ne sont pas toujours respectés par les employeurs, d’après Carlos Leiba, directeur du centre d’étude et de promotion des droits humains au Honduras.

« Le gouvernement est réactif, mais il ne prend aucune mesure préventive pour les plongeurs de la Mosquitia, qui partent à la pêche sans se soucier de rien, résume Carlos Leiba. Comment ça se fait que sur 9 000 personnes on en a 4 200 qui sont malades ou paralysées, comment c’est possible ? C’est forcément qu’il n’y aucun contrôle ni aucune prévention sur les bateaux et pour les personnes qui travaillent sur ces embarcations. »

Pas assez d’hôpitaux adaptés

Selon les dernières statistiques officielles, qui datent de 2004, près de la moitié des plongeurs professionnels souffraient d’un handicap lié à un accident de décompression. Un syndrome qui peut être rapidement pris en charge à l’hôpital, mais les traitements sont coûteux et beaucoup arrêtent avant d'avoir récupéré.

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Carlos Leiba déplore le manque d’infrastructures adaptées dans la région et accuse l’État d’inaction : « Notre gouvernement investit beaucoup dans les armes, dans la police et dans les forces armées, mais ça ne leur coûterait rien d’investir dans un hôpital ou un centre de soins pour ce groupe de personnes qui compte pour l’économie du pays. »

Un travail mal payé

Là-bas, la pêche à la crevette est la ressource économique la plus importante, elle constitue la majorité des exportations de la région. Pour un demi-kilo de langouste, les pêcheurs reçoivent en moyenne 3 dollars.

Un salaire bien trop bas, selon Filmor Kiath Martinez, militant et porte-parole des plongeurs handicapés de la région : « Le prix des produits qu’ils pêchent est très bas, c’est pour ça que les plongeurs souffrent pour pouvoir trouver de quoi faire vivre leur famille. Ils s’en vont tous les matins faire un travail très pénible, et c’est comme cela que des accidents arrivent quasiment tous les jours, voire dès qu'une embarcation quitte le Honduras. »

Depuis 2004, l’Association locale des plongeurs handicapés milite pour faire reconnaître les conditions de travail des plongeurs auprès de la Commission inter-américaine des droits de l’homme. En 2009, une Commission sur la prévention des problèmes de pêche sous-marine voit le jour, mais les accidents sont toujours très nombreux. À la Mosquitia, 18 à 24 pêcheurs sont hospitalisés tous les mois.

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