États-Unis: pas de question sur la nationalité dans le recensement

Aux États-Unis, la Cour suprême a infligé un nouveau revers au président Donald Trump en excluant pour la quatrième fois la question de la nationalité pour le recensement de la population.

Avec notre correspondante à New York, Loubna Anaki

Aux États-Unis, les juges de la Cour suprême ont estimé que les arguments avancés par l’administration Trump ne suffisaient pas à justifier l’introduction de la question de la nationalité dans le prochain recensement de 2020. Il s'agit d'un nouveau coup dur pour le président américain qui défend cette mesure depuis des mois. Donald Trump a tout de suite réagi sur Twitter. « C’est totalement ridicule que notre pays ne puisse pas poser une question basique sur la citoyenneté dans un recensement très cher, détaillé et important », a-t-il déclaré.

Derrière cette question de nationalité se cachent des enjeux importants, d’abord économiques, car le recensement conditionne l’octroi de 675 milliards de dollars de subventions fédérales. Mais surtout politique, car de lui dépend aussi le nombre de sièges alloués à chaque État à la Chambre des représentants.

Les opposants à cette question estiment qu’elle fausserait le résultat du recensement. Selon eux, les immigrés ou les sans-papiers pourraient mentir ou tout simplement ne pas participer de peur d’être fichés. Aujourd’hui, ils saluent la décision de la Cour suprême comme une victoire. Mais le débat n’est peut-être pas totalement clos. Le président américain a fait savoir qu’il tenterait de retarder le recensement le temps de convaincre la Cour suprême. Le calendrier est serré, les formulaires du recensement doivent être imprimés dès cet été.

Redécoupage électoral

Par ailleurs, dans un autre arrêt décisif, la Cour suprême, dominée par les conservateurs, a décidé de ne pas s'immiscer dans le découpage électoral partisan des circonscriptions. Après chaque recensement, les cartes électorales sont redessinées et le parti au pouvoir en profite souvent pour regrouper les électeurs du camp opposé dans certaines circonscriptions pour faire baisser leur influence ailleurs. La pratique est utilisée par les démocrates comme par les républicains. Cette décision de la Cour suprême est un revers pour les tribunaux inférieurs, qui souhaitaient invalider deux cartes électorales jugées trop « biaisées » en Caroline du Nord et dans le Maryland.

« Les cours fédérales de district avaient jugé ces cartes électorales inconstitutionnelles parce qu’elles représentaient un avantage trop fort pour le parti qui les avait réalisées, explique Corentin Sellin, professeur agrégé d'histoire. C’est un peu une surprise, parce qu’on sait que la Cour suprême hésite à déjuger les échelons inférieurs et c’est ce qu’elle vient de faire avec cet arrêt. La Cour suprême a déjà interdit par exemple le charcutage électoral racial qui desservait la minorité afro-américaine, en particulier dans les États du Sud. Mais là, il s’agit en fait d’un charcutage électoral sur une base politique, c’est-à-dire quand un parti politique s’arrange pour que la carte électorale l’arrange de manière forcenée. Et la Cour suprême aujourd’hui a décidé de ne pas décider parce qu’elle estime que ce n’est pas une question judiciaire, mais bel et bien une question politique à régler dans les États par les assemblées locales ou par le Congrès de Washington, mais pas dans la Cour suprême ».

Même si cette pratique est utilisée par les deux camps, l'arrêt de la Cour suprême avantage plutôt les républicains, poursuit Corentin Sellin. « Les républicains ont, eux, généralisé cette pratique lors du redécoupage qui se fait tous les dix ans aux États-Unis, explique-t-il. En 2010, ils ont lancé un grand plan, le plan Raid Map, pour contrôler les assemblées locales de chaque État qui découpent les cartes. C’est ce qui leur a donné dans beaucoup d’États des cartes électorales en leur faveur. Inévitablement, cette décision de la Cour suprême, à très court terme, favorise quand même davantage les républicains. Certains États comme le Wisconsin et la Caroline du Nord, des États pivots qui peuvent basculer dans un sens ou dans un autre, auront des cartes électorales favorisant de manière très nette le Parti républicain. En 2020, même si le Parti républicain devait subir une nouvelle défaite par exemple à la chambre, elle serait atténuée par ces cartes électorales qui sont favorables dans des États clés ».

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